Christian, quadra séduisant, est conservateur du musée d’art contemporain de Stockholm. Un jour, il se fait voler son portefeuille et son portable en pleine rue. Mésaventure ordinaire et point de départ d’une série de réactions en chaîne, qui vont conduire sa vie au bord du chaos.
Palme d’or surprise du dernier festival de Cannes, The Square étonne avant tout par sa rigueur esthétique et la grande maîtrise de sa mise en scène. Chaque plan est cadré au millimètre, avec une évidente recherche sur la symétrie et la lumière. Et touche scandinave oblige, les intérieurs semblent tous tirés d’un catalogue Ikea. L’ensemble est beau, si beau qu’il pourrait parfois en frôler l’ennui.
Support parfait donc pour soutenir le propos du film, qui vient justement interroger le rugueux derrière le lisse, l’irrationnel derrière le contrôle. Une simple question : entre l’Homme et l’animal, quelle différence ? Le Suédois Ruben Östlund excelle dans le registre du vernis social qui se craquelle, pour saisir l’agressivité à peine contenue derrière les belles paroles et le politiquement correct. Les hommes sont finalement tous des singes qui se sont inventés des règles.
Son film se bâtit autour de séquences maîtresses : la distribution des lettres de menace, la confrontation avec un petit garçon vengeur, la scène de sexe, à la fois pathétique et absurde. Et bien évidemment, le dîner, apothéose du film et cristallisation du propos. Géniale idée que cet artiste qui sème la pagaille en plein raout mondain, avec une performance de singe plus vraie que nature. Östlund étire la séquence jusqu’au malaise. Après les rires, l’assistance se fige peu à peu. Pourquoi l’animalité effraie, dérange, saisit-elle à ce point ? Peut-être pour les mêmes raisons que nous détournons les yeux devant un mendiant : car elle nous rappelle ce que nous cherchons désespérément à ne pas être.
Outre la satire, portée par un humour froid, The Square n’est jamais aussi bon que lorsqu’il nous dévoile un Christian seul, regard perdu, spectateur impuissant d’une vie qui part en vrille. Le reste, le discours sur l’art contemporain et la com’, est grinçant mais convenu. Le seul vrai problème du film, si tant est qu’il y en ait, reste le rythme. Après un début très fort, le tempo tend à s’essouffler entre deux scènes maîtresses, en particulier dans la deuxième partie. Dommage aussi de voir finalement si peu Elisabeth Moss (The Handmaid’s Tale), décidément en très grande forme, dans le rôle décalée de la fausse ingénue.
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