C'est vrai que j'ai toujours eu un peu de mal avec les films cannois, mais j'avais entendu le plus grand bien de The Square, la palme d'or 2017, alors que j'avais détesté la plupart des anciennes.
Le film d'Ostlund est typiquement le film d'auteur élitiste/ cannois que beaucoup de monde ne supportent pas : un film long, très long, où les scènes sont longues, très longues, et où le propos est complexe, difficile d'accès pour les non- cinéphiles, et surtout rempli d'aucun dialogue.
Contrairement à certaines palmes d'or ou grand prix que beaucoup de personnes contestaient vivement leur qualité, difficile à reprocher quoi que ce soit à The Square.
The Square est beau, très beau : certaines scènes sont carrément des tableaux, la photographie comme les lumières sont excellentes, les visuels somptueux, le tout avec une très bonne BO (ah putain Justice !). The Square a tout du film- performance, qui semble presque être des enchaînements de senettes ou de petits court- métrages tellement le réalisateur parvient a creer un véritable monde sur chaque image : évidemment, certaines scènes sont instantanément cultes, notamment la fameuse scène du singe, qui distille un malaise impressionnant pour terminer dans un frisson glacial, comme un film d'horreur.
Mais au- delà de ses qualités formelles, c'est surtout le propos qui remue le spectateur. On suit une belle histoire imprévisible et très longue, malaisante, incomfortable, drôle et dérangeante, le tout avec de superbes acteurs qui portent vraiment le film, et une mise en scène sobre mais tout aussi efficace et offrant un vrai univers froid, distant, mais humain.
Car derrière ce long parcours où l'on suit les mésaventures d'un conversateur de musée à Stockholm, on suit toute une satire de la société bourgeoise scandinave et leurs aveuglements pour leurs technologies et leur confort face aux migrants et aux SDF, et surtout de l'art en général, notamment celle de l'art contemporain qui divise souvent les personnes.
Le réalisateur et son équipe dresse alors le constat d'une suède triste, d'une europe remplie de contradictions où chacun vit dans sa bulle et tourne en rond, sous fond d'un monde froid et cruel.
La crise existentielle du personnage principal, Christian, nous permet alors d'analyser toute la société entière au rayon X, les spectateurs eux- mêmes. Bien que nous rions ou nous sommes mal à l'aise face au voyage initiatique de notre héros, The Square a le mérite d'être une bonne satire du monde occidental en général, lui rappelant toute son hypocrisie et son mal- être.
Mais The Square a quelques défauts : humour un peu nul par moments, montage un peu foiré, scènes qui s'étirent souvent trop en longueur pour rien, et certains arcs narratifs qui ne servent pas vraiment à l'histoire, il y a bien quelques problèmes dans les rouages de la mécanique suédoise. Cela ne gâche pas vraiment le visionnage du spectateur, mais The Square est un long voyage inégal, qui brille par moments, pour sombrer dans l'ennui dans d'autres.


Par le biais d'un carré magique, The Square se prétend être analyste de notre société contemporaine si individualiste et si schizophrénique dans ses actions et ses conséquences, mais c'est par l'art que Ostlund veut enfoncer le clou, avec cette fameuse question : à quel moment l'art nous dérange profondément ?
Visuellement très beau et d'une esthétique à couper le souffle, The Square est un bon film, certes inégal, mais qui a le mérite d'être une bonne palme d'or, et qui relégimite un peu ce prix (après I, daniel blake en 2016).

Mathieu_Renard
7
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le 17 mai 2018

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Matt  Fox

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