Le film est sur le fil. Il y a deux chemins trop emprunté par ce cinéma cynique de la dénonciation des sociétés modernes. Celui du craquage fictionnel où chacun se supprime dans une violence plus ou moins retenue d'un film comme Lobster. Et celui qui se soumet à son esthétique ascète morbide jusqu'à l'épuisement.
The Square hésite donc. Quartiers, rares rues et magasins, le monde qui nous est donné est épuré. Seul le musée royal de Stockholm prend pied dans un réel tangible. C'est la première qualité du film. Nous faire parcourir un lieu sans enfermer dans un cadre sadique tous ceux qui s'y déploient. Chaque échange, rencontre, réunions marketing, préparation de discours nous donne souvent à vivre du plausible et c'est assez délicatement que chacune des scènes dérive dans l'absurde et le piteux. L'hypocrisie et le sadisme inconscient s'infiltre dans le réel avec plus de vie et d'intérêt encore que dans le Snow therapy du même réalisateur. Enfin Claes Bang nous livre un directeur de musée aussi séduisant que lâche. Toujours à la limite de perdre une case pour de bon, il est la part d'homme qui tient le difficile équilibre du film.
C'est quand on observe la difficulté du film à amener une prise de conscience finale que l'on voit la limite de l'exercice de ce cinéma. Que reste t-il à sauver chez l'homme quand on l'a tellement mis en pièces ?
On peut penser à Buffet froid qui n'hésitait pas à en rajouter dans la bêtise et l’aridité mais qui parvenait à sauver une part de nous dans le badinage à la française. The Square n'est pas dépourvu d'humour mais il est soit trop timide soit trop sadique. Dans l'impasse, le film préfère se sortir de sa morgue par un retour moraliste peu crédible.