Jong-Goo est un policier couard et sans envergure dans un bled coréen. De violents meurtres viennent perturber son quotidien peinard.
Ce film, tout est dans le ton. Vraiment. Le ton utilisé, c’est vraiment du grand art. C’est marrant on croirait que le film « fait l’idiot » pendant la première moitié parce que c’est limite déconnade par moments. Le gros pleutre qui largue un énorme pet recroquevillé dans son siège lorsque sa fille vient lui apporter des vêtements. Le mec maladroit qui enchaîne les boulettes sur les scènes de crime. Le blaireau quoi, on se marre bien. Et petit à petit, ça part vraiment en couille.
Le côté macabre, le japonais, le shaman, la maladie font irruption dans le récit, le ton change un peu, le réal te prend par la main, multiplie les fausses pistes en jouant avec les attentes des spectateurs et leur connaissance de ce type de récit.
Oui parce que le japonais a tellement une tête de coupable que tu te dis qu’il est innocent puisqu’au final tu l’as pas vu vraiment être méchant. Puis le curé te dit de pas se fier aux apparences. Puis le film s’appelle The Strangers, tu te dis que ça va parler des gens qui méprisent à tort les étrangers. Puis le japonais est présenté en situation de faiblesse. Puis le Shaman, personnage a priori neutre, te dit qu’il s’est trompé et le jap est un mec cool. Plein de trucs comme ça.
Rarement un réal m'aura baladé a ce point. Jusqu’à ce qu’on comprenne à la toute toute fin que le film a tout fait pour nous emmener là. Ici, dans cette grotte. Dans un état d’esprit précis. Tu étais sur une autoroute, le réalisateur te conduisait sans que tu en aies conscience, il t'emmène et te balade sur sa route pour que tu sois bien mijoté, a point, comme il le veut, au bon endroit. A ce moment, quand le japonais se met à rire, où on comprend que chaque détail, chaque point prend sens. On s’est fait balader comme des bleus par ce script qui bifurque et se mue en train fantôme macabre. Même le ton presque humoristique prend sens, le réal te tend la carotte de l’humour pour mieux t’agripper à la gorge sur la fin et te prendre par surprise quand l’enfer se déchaîne dans la vie de Jong-Goo.
Donc vraiment, script surprenant, absolument génial, et le ton et la mise en scène ont été adaptés pour coller à cela. Une dernière heure, et surtout une dernière demi-heure absolument de folie. Tu peux pas descendre de bagnole, tu restes assis et tu mates le carambolage.
Intelligent aussi dans son casting, déjà parce que les comédiens sont bons, mais aussi parce que celui qui joue Jong-Goo est un choix évident d’anti-mec stylé, un gros pleutre sans charisme et ça colle totalement avec ce qu’ils essaient de faire. Et putain aussi c’est tellement réjouissant de voir du naturel. Sans vouloir faire le vieux con, des CGI mêmes efficaces n’auront jamais le même effet que du vrai. Là, j’ai même pas pris la peine de vérifier, les plans truqués doivent pas être légions.
Je ne saurais que trop vous conseiller cet excellent film, qui, comme le bon vin, a besoin d’une bonne heure de carafage avant de livrer toutes ses saveurs. Mais quand c’est fait, ça te monte a la tête, tu te prends une baffe de qualité dans la tronche et tu dis « respect ».