La préquelle s'est révélée jusqu'à présent être une sorte de concept-échec : globalement, ces films dont le titre contient généralement le mot "Origines", outre leur succès relatif au box office, sont conspués par les fans des films dont elles s'inspirent. Ceci n'est pas sans raison : histoire remaniée, stratagèmes grossiers pour relier un film à un autre, liens parfois plus que ténus entre l'original et la préquelle sont autant d'éléments qui attristent voire écoeurent certaines catégories de spectateurs.
Que penser alors de cette préquelle du chef-d'oeuvre de John Carpenter, sorti plusieurs décennies avant ? Ici, personne ne s'est visiblement encombré de parler d'"origines" dans le titre, et les deux films - bien que reliés de manière ostensible - portent rigoureusement le même nom.
Inutile de prolonger le suspens quant à la question que toute personne ayant vu The Thing de Carpenter est en droit (en devoir ?) de se poser : cette version 2011 ne trahit pas son aînée. Énormément de détails aperçus (voire entraperçus) dans la version 1982 sont ici mis en place de manière crédible : la géographie de la base norvégienne, l'arrangement des salles, la disposition des objets (une hache dans une porte, une baignoire de glace en contrebas d'un escalier,...) sont respectés à la lettre, parfois avec une précision somme toute très savoureuse. On se surprend à aimer une multitude de détails que l'on connaissait du film de 1982, à les revoir différemment (dans le sens où on en sait plus - pas trop non plus, l'aura mystérieuse de la Chose reste préservée). L'exercice est sur ce point une réussite presque exceptionnelle, à tel point qu'on pourrait conclure cette version 2011 en regardant immédiatement la version 1982 sans même qu'il y ait de faux raccords (ou presque).
Sur le fond, l'idée pouvait sembler hasardeuse, mais force est de constater à la lumière des éléments développés que l'ensemble est agréablement mené, ne laissant quasiment rien au hasard et se posant comme une véritable préquelle.
Sur la forme, on peut cependant regretter plusieurs points. A commencer par les effets spéciaux. A des kilomètres de la version de 1982 (qui a étonnamment très peu vieilli sur ce point), cette mouture 2011 affiche des images de synthèse qui, si elles sont loin d'être foncièrement mauvaises, empêchent réellement d'y croire. Textures irréelles, luminosité factice et surtout modélisations très artificielles des personnages laissent quelque peu pantois. On finit par regretter les animatroniques de Carpie tant certaines scènes sont en demi-teinte (la transformation la plus impressionnante et emblématique du film est en effet majoritairement gâchée par des images peu convaincantes).
Du point de vue de l'histoire, c'est mitigé également. Si quelques scènes renvoient une tension intéressante, on ne se passionnera pas pour les personnages qui sont peu développés. Trois ou quatre personnages sont considérés comme centraux, et on oublie tous les autres. Dommage, surtout en comparaison de la version 1982. On est bien incapable de dire à la fin du film combien de scientifiques cohabitaient dans cette base. Douze ? Quatorze ? Quinze ?... Ne parlons même pas de leurs noms, qui passent totalement à la trappe pour la plupart. On peut cependant apprécier l'absence de la plupart des clichés habituels concernant les personnages.
La musique est tristement banale, on ne sent pas Beltrami aussi inspiré qu'il ne l'a déjà été ailleurs. Il n'y a pas vraiment de thème principal, si bien que le score passe plus ou moins inaperçu. Ce n'est que lors de la fin du film qu'un sursaut bienvenu réarrange agréablement le thème d'anthologie d'Ennio Morricone pour le plaisir des fans de la version de Big John.
La fin du film, justement. La vingtaine de minutes précédant les séquences intégrées dans le générique chiffonne légèrement le spectateur. Entre une soucoupe volante trop montrée (et qui, pour le coup, finit par ne plus vraiment ressembler à celle du film de 1982) et un intérieur futuriste peu crédible, on reste sur sa faim. Dommage.
En définitive, The Thing n'est pas un mauvais film d'horreur. N'atteignant pas la qualité de la version de 1982 mais se positionnant comme une véritable préquelle, il se laisse regarder avec un certain plaisir et respecte visiblement son modèle, ce qui n'est pas pour déplaire. On peut évidemment voir le film sans avoir vu la version de 1982, et voir dans ce cas la version 1982 comme une suite; mais la comparaison est tout à fait légitime dans la mesure où le film s'inscrit dans la continuité de celui de Carpenter et à part entière dans la "saga". A voir, par curiosité, et pour l'exercice de style "préquelle" assumé et assez abouti.