Certes, cette critique de la télé-réalité, à l’époque où le phénomène commençait à prendre de l’ampleur, paraît aujourd’hui posée avec une certaine outrance, voire de façon grossière. Oui, on exagère, on s’imagine un “pire” hautement improbable.


Mais passons sur la grosseur du trait et entendons le fond, l'idée générale, à savoir que le credo de la télé-réalité est en soi un mensonge. Cette idée toute simple est assez bien proposée. Très clairement, même si l’on pousse le trait jusqu'à la caricature, oui, la télé-réalité n'existe pas.


Dans la réalité, bien souvent les premières victimes de cette falsification sont les acteurs eux-mêmes de cette télé. D’ailleurs à ce propos, on peut reprocher au scénario d’Andrew Niccol de ne pas aller au bout de sa logique, ce que la vraie réalité a démontré depuis à plusieurs reprises : la mort des candidats ou du moins la difficulté de certains à supporter la réalité post télé-réalité. Les déchirements, les suicides ou les tentatives, les comportements auto-destructeurs ne manquent pas. Or, le “Truman show” s’en tient à une fin ouverte et souriante, alors qu’il y a bien de quoi se flinguer pour le héros joué par Jim Carrey.


Dans un premier temps, le film se tourne vers la comédie. Je crois que le choix de prendre Jim Carrey, vedette comique déjà bien installée dans l'imaginaire du public pour jouer le rôle principal, ce Truman victime sacrificielle de la télé-réalité, crée dans un premier temps cette confusion. En effet, on est d'abord installé dans des situations qui se veulent souriantes pour ne pas dire comiques.


L'astuce scénaristique amène progressivement ce rire à devenir jaune. Au fur et à mesure que Truman se rend compte qu’il lui est impossible de sortir de ce monde étroit, que ses soit-disant amis le manipulent pour favoriser cette aliénation, le film sort de la comédie pour entrer dans la satire de plus en plus effrayante, noire.


Cependant, le scénario, sentant que cette évolution pouvait compromettre le “spectacle familial”, introduit un nouvel élément, l’enjeu romantique avec Natascha McElhone qui selon moi n’ajoute rien. Au contraire, cela tempère plutôt la noirceur incisive de l’intrigue.


Ce qui sauve l'intérêt de la deuxième partie, au delà du “suspense” sur le devenir de Truman, c’est la performance d’Ed Harris. L'acteur est tellement fort, tellement précis et enrichit si bien son rôle par la finesse de jeu que son personnage apparaît beaucoup plus complexe que ne pouvait le laisser entrevoir le scénario dans la première partie. La confrontation morale, philosophique entre le “père” et sa “créature” est menée avec maestria par Ed Harris : jusqu'au bout, il pimente la deuxième partie du film et suscite la réflexion, l'interrogation sur ses motivations, son mode de pensée, son éthique, sa relation perverse avec cet “enfant” qu’il a emprisonné, façonné, amputé et qui lui échappe enfin. Cette confrontation est émouvante, riche, angoissante ; elle fait le sel du film, dépassant même la réflexion sur la télé-réalité.


Captures et trombi

Alligator
7
Écrit par

Créée

le 16 nov. 2016

Critique lue 236 fois

5 j'aime

Alligator

Écrit par

Critique lue 236 fois

5

D'autres avis sur The Truman Show

The Truman Show
Embrouille
9

Le monde est Carrey

Je spoile sûrement, mais de toute façon tout le monde l’a vu, non ? The Truman Show narre l’histoire de Truman, qui mène une gentille vie. Ce qu’il ignore, c’est qu’il est en réalité la star d’une...

le 13 mai 2014

127 j'aime

11

The Truman Show
Ordos
8

Loft Carrey

Film d'anticipation, The Truman Show frappe fort. En effet, avec un Jim Carrey solide et impressionnant, le film commence sur les chapeaux de roues. Puis le film oscille toujours entre rire et larme,...

le 14 janv. 2011

64 j'aime

6

The Truman Show
Libellool
9

L'absurdité de notre époque

The Truman Show de Peter Weir nous propose une critique haute en couleurs et particulièrement réussie de l'univers cruel de la télé-réalité, dont la bêtise est ici hissée à son plus haut niveau, mais...

le 4 janv. 2020

52 j'aime

7

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime