On savait Hossein Amini funambule, capable du meilleur comme du pire, de Drive à Blanche-Neige et le Chasseur ou même, au sommet du néant et de la parodie, 47 Ronins. On ne le suspectait pas pour autant capable d'une telle tiédeur, de surface comme de profondeur, alors que tout, dans The Two Faces of January, adaptation sans passion de Patricia Highsmith, respire l'extinction de la flamme cinématographique, des décors de carte postale aux interprètes de papier glacé. Le postulat, pourtant, hurlait cinéma : l'itinéraire d'un jeune guide américain, expatrié en Grèce, croisant le chemin ombrageux d'un couple de richissimes touristes, de toute évidence en cavale, a, sur le papier, tout l'attrait nécessaire au tissage d'une belle intrigue policière. Mais rien ne vient concrétiser la tension indéfiniment latente de ce road-movie élastique (i.e, qui s'étire à l'infini), où le charnel n'affleure jamais, au point de faire douter du magnétisme de Kirsten Dunst, pourtant inlassablement souligné par le scénario, et où les rivalités intestines ne prennent jamais corps. Difficile de ne pas penser, confronté au face-à-face désincarné entre les pourtant impeccables Oscar Isaac et Viggo Mortensen, à l'adaptation récente de la Passe Dangereuse de Maugham, sous le nom du Voile des Illusions. Pétrie d'académisme elle aussi, elle parvenait néanmoins, à partir d'un simple adultère, à souligner avec une délectation proche de l'humour noir le déchirement d'un couple. Ici, à trois personnages, quelques meurtres, et plus encore d'arnaques et de faux-semblants, Hossein Amini se paie le luxe d'une tension quasi-nulle et de sa conséquence attendue : l'ennui le plus poli. The Two Faces of January n'est pas pour autant totalement dénué de charme, la reconstitution de kermesse allant de son petit effet, et le casting faisant régulièrement exploser le baromètre du charisme ; mais la corde du glamour y est à ce point tendue qu'elle en étouffe toute créativité, pour ne déboucher que sur une superficielle bobine d'arrière-plan, une adaptation sans risque, sans audace, et donc sans intérêt.
ClémentRL
5
Écrit par

Créée

le 29 juin 2014

Critique lue 281 fois

1 j'aime

Critique lue 281 fois

1

D'autres avis sur The Two Faces of January

The Two Faces of January
Philippe_Delaco
6

The Two Faces of January

Un bon film de fin d'après midi d'été. Quand le temps est lent, qu'il est encore trop tôt pour boire un Ouzo, trop tard pour travailler et qu'il fait trop chaud pour se balader. Très classique dans...

le 27 juin 2014

12 j'aime

The Two Faces of January
Frédéric_Perrinot
7

Élégant Thriller

Premier film d'Hossein Amini, scénariste ayant notamment travaillé sur Drive, The Two Faces of January s'impose comme un film dans la pure tradition hitchcockienne sans pour autant atteindre la...

le 8 août 2014

10 j'aime

The Two Faces of January
BMR
4

La femme ou la valise ?

Premier film de Hossein Amini, le scénariste de Drive, The two faces of January, est un polar un peu mollasson qui veut reproduire le charme, le ton, les ambiances, les couleurs, des films noirs...

Par

le 23 juin 2014

10 j'aime

Du même critique

La La Land
ClémentRL
5

Critique de La La Land par Clément en Marinière

Les détracteurs du genre auront tôt fait d'agglomérer toutes les comédies musicales du septième art, nonobstant leur grande diversité, en un magma indifférenciable de sentimentalisme neuneu et de...

le 30 janv. 2017

107 j'aime

8

Emily in Paris
ClémentRL
2

Critique de Emily in Paris par Clément en Marinière

En 1951, le jeune et fringant peintre Jerry Mulligan débarque à Paris pour y devenir artiste, et sans tout à fait y parvenir, trouve malgré tout l'amour, le véritable amour, celui qui se déclare...

le 10 oct. 2020

104 j'aime

9

Only Lovers Left Alive
ClémentRL
4

What a drag!

Le monde va mal! Et tout en assistant à sa décadence, ses plus illustres ancêtres, Adam et Eve (tout un programme symbolique, j'aime autant vous prévenir) se repaissent de leur chair mutuelle. Voilà...

le 20 févr. 2014

79 j'aime

10