Un érotisme vampirique sans une once de vulgarité.



  • Je ne me sens jamais fatiguée. La nuit du mois. Je ne ressent que de l'excitation.

  • Ah Bon?

  • Oui, et je ne dors pas, ça fait une éternité. Et puis je me sens si misérable le jour.

  • Et vous rêvez?

  • Vous le savez bien. Des rêves épouvantables. Si étranges, si...réalistes.

  • Racontez-les-moi.

  • Je ne les ai racontés à personne. Je ne peux pas.

  • Racontez-les moi.

  • Le chat vient et s'assoie au pied de mon lit en me fixant. Il s'étend vers moi. J'essaie de hurler mais ma gorge est serrée. Il s'allonge sur moi. Il est chaud et lourd. Je sens ses poils dans ma bouche, et j'ai des haut-le-coeur. Et après...

  • Et après?

  • Il se transforme en vous.

  • En moi?

  • Vous m'étreignez et m'embrassez. Puis soudain je suis si heureuse... Mais même si près de vous, je ressens une douleur aussi pointue que des aiguilles. Je sens ma vie s'échapper comme si j'étais vidée de mon sang.

  • Et?

  • Je me réveille et je hurle.

  • Ma pauvre chérie. Vous savez que vous êtes en sécurité avec moi.



The Vampire Lovers sortie en 1970 est une oeuvre atypique faisant partie des derniers films sous l'effigie du créateur de la légendaire société cinématographique Hammer "James Carreras" avant que son fils ne reprenne le flambeau deux ans plus tard en 1972.


Pour recentrer le contexte de l'époque c'est un peu le début de la fin pour le studio Hammer qui commence artistiquement à s'essouffler. C'est pourquoi il faut trouver de nouvelles idées, trouver des éléments originaux pour concurrencer les productions américaines fortes de proposition à ce moment-là. C'est ainsi qu'un trio de producteur scénariste Harry Fine, Michael Style et Tudor Gates proposent à James Carreras une idée de génie, l'adaptation du roman "Carmillia" paru en 1872 de l'écrivain Irlandais Joseph Sheridan Le Fanu.


Pour assumer une telle adaptation il faut assurer le coup et c'est donc au réalisateur Roy Ward Baker (l'un des rares à être au niveau du grand cinéaste Terrence Fisher à l'époque pour ce genre) à qui l'on doit des oeuvres culte comme Les Monstres de l'espace(1967), Dr Jekyll et Sister Hyde(1971), Les Cicatrices de Dracula(1970), Asylum(1972)...que l'on confit ce projet qu'il va sublimer en suivant une direction autre des traditionnels films de vampires de la Hammer dont certains sont tout bonnement géniaux c'est vrai, mais tourne à la longue trop à la surexploitation pour ce genre.


Sa vision beaucoup plus érotique et violente graphiquement adaptée au gout du jour va apporter un ton complètement rafraîchissant pour la Hammer et enclenchera un phénomène à sa sortie qui donnera naissance à la trilogie Karnstein et par là même à un grand classique. Il est à regretter que ses suites n'aient jamais été au même niveau que l'original et que des 4 films censés initialement sortir seul trois verront le jour.


On suit le vampire lesbien Mircalla-Carmilla Karnstein (Ingrid Pitt) s’établissant de familles en familles bourgeoises tel un loup déguisé parmi les agneaux. Elle infecte les familles les détruisants de l'intérieur, persécutant ses victimes dans leur sommeil les dévorants petit à petit dans la souffrance. Vider de leurs sangs et persécuter dans leur rêve par une représentation primale de Mircalla sous la forme d'énormes yeux que ses victimes retranscrit comme étant un chat géant. Cette caractéristique offre une originale touche féminine à la transformation de la bête qui n'est pour une fois pas associée à une effrayante chauve-souris. Ce nourrissant du nectar sucré des jeunes filles via l’art de la séduction, elle s'avère particulièrement douce, aimante, attentionnée et a contrario tyrannique, sadique et tortureuse envers les filles pour lesquelles elle a le béguin puisqu'elle prend le temps de les dévorer, alors que pourtant au milieu de la nuit elle se rue vers les habitants du village d'à côté les tuants instantanément.


Le scénario est particulièrement habile car il n'est pas linéaire. Il ne cesse de surprendre par ses nombreux rebondissements que l'on ne voit pas venir grâce à une disposition à aborder le récit très intelligent. La première moitié du long métrage fonctionne sur le principe de la confusion et du déséquilibre en nous prenant au dépourvu. En effet on nous présente une jeune fille du nom de Laura incarné par la comédienne Pippa Steel qui s'établit comme étant l'héroïne principale. C'est pourquoi lorsqu'on assiste finalement à la mort de celle-ci après plus de vingt minutes du film on est fortement surpris et troublé. Cela a pour conséquence de nous mettres sur nos gardes sur ce qui nous attend encore et de ce fait on a peur pour les protagonistes car n'importe qui peut mourir.


The Vampire Lovers est un condensé d'originalité en mettant en avant des vampires différents et surtout féminins par une représentation de l'amour lesbien traduite de manière explicite. Ainsi on assiste à un défilé de belles femmes aux plastiques fatales, clairement choisi pour leurs silhouettes même si elles ont indéniablement du talent (mais faut avouer que c'est très tentant). Et pourtant le film n'est jamais vulgaire car le réalisateur filme les scènes nues et dites sexuelles avec élégance et minutie. Filmée avec beaucoup de sensualité mais jamais dans la vulgarité et c'est là tout le secret de ce conte horrifique-gothique. Là où beaucoup de cinéaste serait tombé dans la gratuité la plus vulgaire avec de nombreux actes hot à outrance qui auraient plongé le récit dans un déferlement de mauvais gout, Roy Ward Baker a su parfaitement bien s'adapter à son sujet et son traitement.


Une autre originalité passe par la singularité et l'importance du linceul. Effectivement sans leur linceul aucune nuit de repos n'est possible pour un vampire, ainsi si on leur vole dans leurs tombeaux lorsqu'ils sont partis en chasse ils ne peuvent plus retourner au repos. Une idée bienvenue qui donnera lieu à une superbe séance de décapitation.
La présentation du vampire sous le linceul est superbe lors de la séquence d'ouverture, on croirait voir un ballet funèbre à la fois saisissant et effrayant jouant du brouillard comme dans des vagues. L'allusion devant ce spectacle engendre un spectre de la mort dansant dans la funeste brume du royaume des morts. Le tout accompagné d'une bonne narration. Une présentation du vampire tel que je n'avais jamais vu qui certes est loin de la perfection mais se révèle tout de même superbe.


Niveau technicité c'est du bon boulot, le réalisateur apporte beaucoup d'élégance à sa mise en scène avec une touche de poésie lors de belles scènes de séduction. Le jeu d'ombres est génial notamment sur une scène en particulier ou l'ombre d'une main bras tendu sur un mur s'approchant d'une jeune fille endormie dans son lit pour finalement donner une vision réelle à la première personne de la main de Carmilla. Les transitions d'une scène à l'autre sont ingénieusement amenées. Enfin la violence bas son plein dans l'hémoglobine offrant quelques séquences magnifiquement gores.


L’atmosphère est réussie, superbement renforcée par les subtils jeux de brouillard qui sont une marque de fabrique du studio. Les décors sont bons, le château en ruine des Karnstein à de la gueule, le manoir du général est bien mis en avant avec des arrières plans souvent beaux même s'il faut un minimum relativisé car les faux décors en carton sont assez visibles mais cela ajoute à mon sens du cachet et donne vie à un environnement particulier où la violence et la nudité sont présentes. Il est à regretter un relâchement de l'ambiance vers le milieu de l'histoire. Les costumes sont superbes, les belles robes au décolleté profond ont la part belle et se révèlent explicites dans leur érotisme.


La musique d'Harry Robinson dégage une ambiance à la fois séduisante et effrayante rappelant par instants la musique du film "Psychose" d'Alfred Hitchkok.


La distribution est excellente, la part belle étant donnée au surprenant casting féminin, toutes plus renversantes les unes des autres. Ma chouchoute, la plantureuse et voluptueuse comédienne Ingrid Pitt est renversante et saisissante sous les traits du vampire Carmilla. Sa performance est impeccable, nuancée par un jeu de séduction renversant. On a l'occasion de la voire complètement nue lors d'une scène de bain...qui m'a tout remué. Une présence marquant les esprits par la dramaturgie de son personnage via une performance sublime qui fascine par son aspect tragique. La prédatrice à une particularité (en outre l'obligation de se nourrir du sang des humains) elle est lesbienne, ce qui ajoute un contexte marquant à l'époque de sa sortie mais pas que.


En effet, cette chère Carmilla aime tomber amoureuse de jeunes femmes. Lorsque cela arrive, elle noue un lien à la fois sadique et sincère avec sa proie ce qui déroute. Elle les aiment sincèrement le prouvant par l'attention dont elle fait preuve à leurs égards. Avec douceur, tendresse et minutie elle dévore ses courtisanes de leurs nectars jours après jours jusqu'à ce que la mort les séparent. N'hésitant pas à leur montrer sa véritable apparence de grand chat ce délivrant totalement à ses amoureuses jusqu'à les prendre dans cette forme. Un lien qui n'est du qu'à son propre sentiment vu que cela dépasse la simple obligation d'alimentation du vampire de souche. Car lorsqu'elle a les crocs elle ce vide un petit paysan de temps en temps vite fait bien fait sans la moindre émotion. Le parfait contraire de celles quelle chérie. Cela a pour effet d'ajouter beaucoup d'authenticité, de substance et de fond à ce personnage que je considère comme l'une des meilleures antagonistes cinématographiques.


L'on retrouve également les deux jeunes et ravissantes actrices Pippa Steele pour Laura et Madeline Smith pour Emma, qui sont celles livrant cet amour indispensable à Carmilla. Toutes deux s'en sortent superbement en apportant beaucoup de fraicheur, mention spéciale à Smith qui arrive un minimum à tenir tête à Ingrid Pitt. Kate O'Mara dans le rôle de la gouverneuse de maison de ses beau yeux apporte beaucoup au récit par sa présence et sa fonction. En cela il est intéressant de la voir choisi comme ghoule par Carmilla simplement car elle est à la base celle qui s'occupe de l'éducation de sa bien-aimée.


Le général von Spielsdorf alias le grand Peter Cushing, ne figure que dans le premier et dernier tiers du long métrage, et malgré tout il transpire d'élégance et de charisme dans ce personnage en quête de vengeance. L'act final le met superbement en avant, il fait un adversaire parfait face à la suceuse de sang. Appuyé et formé par un véritable chasseur de vampires le baron Joachim von Hartog incarné par Douglas Wilmer qui pète la classe offrant une scène d'ouverture parfaite avec des exécutions de vampires particulièrement sanglantes.


CONCLUSION:


The Vampire Lovers est une oeuvre à la fois violente et sexy dans un aspect particulier vu qu'il est un des derniers grands classique de la Hammer. Réalisé par Roy Ward Baker qui fait un travail remarquable en apportant un soin particulier à l'adaptation du scénario, aux costumes, décors, ainsi que la mise en scène par une technicité rondement imprégnée de séquences séduisantes et sexualisé d'une manière remarquable qui jamais ne devient grossière. Seul bémol, une ambiance superbe aux tonalités gothiques atmosphériques qui se perd malheureusement un peu dans la moitié du récit, mais rien de bien méchant. Les personnages sont tous intéressant, marquant, charismatique et nuancé bonifié par un casting au top avec une Ingrid Pitt chavirante. Un grand bravo au cinéaste qui a su crée un spectacle innovant et original pour l'époque à la sensibilité unique qui ne vieillit pas malgré l'âge.


Certainement l'un de mes films préféré sur les vampires!

Créée

le 3 févr. 2019

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