Sorti deux ans après un autre blockbuster tiré d'une série, "Mission Impossible", le film X-Files n'est pas sans lien avec celui de De Palma. Typique produit des années 1990, dans son esthétique scope, son pré-générique, sa musique pop en générique de fin, X-Files a la même fascination du complot, complot relifté des années 70 aux 90's. Dans le De Palma, c'est disquettes, ordinateurs et fin de la guerre froide. Chez Chris Carter, c'est vaccins, mutations génétiques, virus alien et vaccin secret, soucoupe volante cachée par un syndicat secret, bref Mission:Impossible rencontre Close encounters of the third kind. Le film, réalisé par Rob Bowman (l'un des meilleurs réalisateurs de la série) mêle parfaitement l'esthétique de ces deux références. Notamment par le goût de la forme chorale et internationale : scènes mystérieuses à Londres, au Texas, en Tunisie, et même en -35000 avant J.C. Du film de Spielberg, il a aussi l'esthétique tout en ombres et lumières. Ce savant mélange des deux références est présent dans la série d'origine, et en vient logiquement à donner naissance à un film de cinéma. Et, en passant par le 7ème art, Chris Carter pense à la référence commune de De Palma et Spielberg : Hitchcock. Dans l'aventure de Mulder et Scully sur grand écran, les héros parcourent les U.S.A. tel Thornhill dans "La Mort aux trousses", suivent un train qui s'engouffre dans un tunnel, se font poursuivre par des hélicoptères dans des champs de maïs. La nuée d'abeilles rappelle "Les Oiseaux" (et l'intrusion de la serre mystérieuse rappelle, pour y revenir, la grande séquence d'intrusion de la CIA de "Mission Impossible"). Point final de ce jeu de référence qui permettrait de valider le passage d'X-Files au cinéma : la venue de Martin Landau, le méchant de "La Mort aux trousses" (le bras droit de James Mason), en indicateur de Mulder.
Bref, sur le plan du récit, de la technique (photo, décors, musiques de Mark Snow), tout est très réussi. Sans parler du duo Anderson/Duchovny qui brille sur grand écran. Et à peu de choses près, "X-Files" aurait pu faire un très bon film, un film culte, aussi important que le "Mission: Impossible" de De Palma.
Qu'est-ce qui lui manque ? Un thème sous-jacent. Quelque chose de plus que l'enchaînement d'actions, quelque chose de plus que le suspense. Bien sûr, il y a l'ombre du complot et la lumière de la vérité, qui combattent. Mais cette thématique est trop peu questionnée, le film manque de profondeur. L'absence de fond, d'un noyau dur, d'un thème caché, se ressent dans la mise en scène de Rob Bowman : elle est parfaite, mais elle manque d'un motif, d'une obsession. Même dans son format petit écran, "The X-Files" est une série plus grande quand ses scénaristes savent utiliser le genre pour proposer une fable, une réflexion sur un thème philosophique ou politique. Ce n'est pas le cas dans le film de 1998, qui donne donc le sentiment d'être simplement un très bel épisode final de la saison 5, comme l'ont dit les critiques de l'époque. Ainsi le film est un peu à "Mission: Impossible" ce que "Souviens-toi l'été dernier" est à "Scream". Même univers (blockbuster de cinéma tiré d'une série culte), mais qui s'en tient au divertissement, sans réussir à décoller vers les hautes sphères par manque de couche plus profonde.