Revoir Thor aujourd'hui a quelque chose de meurtrier. Surtout après avoir digéré la fin du premier arc du Marvel Cinematographic Universe centré sur les pierres d'infinité.


Il me semblait un peu vaguement, en effet, qu'il représentait, avec Black Panther, l'un des opus les plus faibles de l'univers partagé, voire le moins réussi. Et je me demande encore pourquoi je l'avais gratifié, lors de mon inscription sur Sens Critique, d'un 7 basé principalement, sans doute, sur mon émerveillement suite à la découverte du royaume d'Asgard.


Cette impression s'est confirmée hier soir.


Car oui, tant qu'on ne débarque pas sur terre, le plaisir joue à plein. Asgard balance entre une avance technologique évidente et une sensation de magie, de mythologie , semblant irriguer l'architecture toute entière. Avec un soupçon de décadence étrange, irréel. De grandiloquent clinquant, aussi, se prolongeant jusque dans des costumes, les sceptres et autres couvre-chefs d'une réussite confondante.


Les plus anciens hivers du royaume de Jotunheim, eux, semblent vouloir tendre vers l'expressionnisme allemand, nimbé d'un brouillard angoissant cachant les géants des glaces de Laufey et une assez jolie scène d'action.


Thor se distingue aussi par la relation qu'il décrit entre ses divinités : Odin, Loki et Thor, que l'on rencontre à l'âge de l'enfance capricieuse et colérique recherchant constamment l'assentiment paternel. Il n'est en cela pas si loin d'un héros tel que Tony Stark, nourrissant lui aussi des sentiments tumultueux avec son ascendant.


Mais c'est Loki, ici, qui tire son épingle du jeu, en tant que méchant le plus intéressant et le mieux campé d'un univers Marvel encore balbutiant. A la fois délicieux de sournoiserie jouissive et tragique dans son ressentiment. Tom Hiddleston lui prête d'ailleurs son charme d'un autre temps et son charisme discret mais immédiatement accrocheur.


Tout serait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si le film n'était pas obligé de poser le pied sur la Terre afin de matérialiser l'exil de son apprenti dieu, dont la trame générale évoque de manière lointaine les aventures d'Ulysse. A ce titre, voir dans cette illustration l'éternel et l'idéal du super héros américain de la JesU.S. Army me pose question. Et j'ai bien peur de devoir répondre que l'emploi d'une telle image en dise bien plus sur la conception anti américaine systémique de ceux qui s'en prévalent que sur la supposée raison profonde d'une telle entreprise.


Car Thor bouffe un peu à tous les râteliers à ce niveau, ce n'est pas une nouveauté. C'est ainsi parfois bien vu de voir Mjollnir comme une nouvelle Excalibur, enchassé dans son rocher, qui ne peut être manié que par celui qui en est digne. Dommage cependant de se croire obligé, pour souligner le propos, de caser un gag d'une lourdeur assez gênante, comme toutes les tentatives d'humour autour de Thor, qui feraient presque un florilège d'un bon ZAZ.


Ces tentatives vaines de rigolade ternissent quelque peu l'attrait du film, comme cette partie terrienne se déroulant dans les décors vides et arides d'un Nouveau Mexique très peu attrayant, ou d'une ville se limitant à une artère principale et quatre pauvres commerces dérisoires très peu recherchés. Cela tranche assez méchamment avec les production design des deux autres royaumes convoqués. Et il faudra que Thor revienne in extremis en Asgard, évoquant quelques jolis cases furieusement BD le temps d'un affrontement sur le bifrost pour que le spectateur puisse finir son visionnage sur une plutôt bonne impression.


Thor divertit, sans pour autant emporter totalement l'adhésion. Car il se dresse sur une jambe gangrénée : celle d'une épopée terrienne assez peu aboutie au ton très dissonant, en comparaison avec la beauté déployée du royaume des dieux nordiques dont il est issu.


De là à y voir une nouvelle malice de Loki...


Behind_the_Mask, ♫ somewhere... Over the rainbow.

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le 9 mai 2020

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