Dans son premier film, Julia Ducournau utilisait l'épouvante comme un outil chargé de symbolisme, venant troublé le quotidien du personnage principal. Comme souvent dans le cinéma de genre, l'épouvante vient mettre en exergue un aspect intime du héros, l'exagérer pour mieux le faire ressortir.
Dans Titane, Julia Ducournau semble renversé ce schéma. On sait peu de chose de notre héroïne, son rapport (violent) aux autres, sa relation (distante) avec son père. Rien de son environnement personnel, de son passé n'est particulièrement développé. C'est finalement au fil du film que l'on pénètre dans son intimité. Témoin de son évolution, son hybridation, comme si elle se délestait progressivement de son identité pour parvenir à cette transidentité salvatrice et rédemptrice. On retrouve ici beaucoup du cinéma de Cronenberg. Comme dans la mouche, il y a cette chair meurtrie, le corps comme une enveloppe dont il faudrait se délester.
Pour le reste, libre à chacun de s'approprier le film et d'en faire sa propre interprétation. Bien-sûr l'expérience est dérangeante, déconcertante, souvent invraisemblable. Il faut néanmoins reconnaître la maîtrise visuelle de sa réalisatrice qui en seulement deux films impose sa patte avec une assurance assez folle.
Reste alors qu'un peu comme pour Midsommar ou Irréversible, il est difficile de sortir de la salle en s'enthousiasmant d'avoir passé un super moment. Ce cinéma là ne cherche pas le divertissement, il est avant tout une expérience sensorielle et cognitive qui appartient à chacun d'entre nous et qui infuse lentement comme un goût bien curieux qui nous resterait en bouche. Et tant pis si la dégustation nous a un peu coupé l'appétit.