Bien plus dégénéré et onirique que Grave, premier malaise accouché de Julia Ducournau qui traitait déjà de la fascination morbide de la carnation abîmée, Titane pousse les limites de la souffrance des corps et des esprits malades et égoïstes.
La réalisatrice parvient à greffer à la relation d'anti-héros déclinants une lueur d'espoir qui se mute en fatalité morbide, innaturelle, qu'on ne peut s'empêcher de renier, d'instinct : le tempérament brutal et neutre lié au corps frêle et camouflé d'Adrien, dans lequel subsiste à son sommet la rusticité d'un métal bourdonnant tel le moteur d'une cadillac, s'hybride au caractère crédule d'un homme désemparé, ce bolide poussiéreux rongé par la rouille, le deuil qui l'atteint.
Titane est comme le rêve hideux qu'on s'affole d'avoir fait; il est une fresque enjouée de l'obscurité, de la névrose. L'expérience en salle ne peut que pilonner l'esprit, le désorienter, le questionner; car elle oblige à assister à la souffrance d'une femme vile et détestable, qui s'accapare la sensibilité du spectateur pour lui insuffler une difficulté d'interprétation éthique et sensorielle. Nier l'implication émotionnelle misée par Ducournau sur les spectateurs est tâche ardue; rester de marbre face à la souffrance de ses personnages qui se consument l'est d'autant plus.
C'est pourquoi ce malaise de nouveau omniprésent parvient à s'élever au delà des œuvres dont la réalisatrice s'inspire, de Christine de Carpenter à la Mouche de Cronenberg (bien plus accessibles et concrets dans leur dénouement), et pourquoi son métrage pourrait s'en prétendre digne, à leur côté, comme un bon film de body-horror, car il exulte des thématiques lourdes à l'instar de son style graphique pesant et enivrant.