juillet 2010:

Grand prix de la mise en scène à Cannes, des dithyrambes ici et là ont suscité chez moi une trop vive attente. Forcément, je suis légèrement déçu. Non que le film soit mauvais, néanmoins j'ai le désagréable sentiment de n'avoir pas pu aller au bout des personnages. Comme si les intentions de Mathieu Amalric concernant ses personnages m'avaient été interdites. La porte ne s'ouvre pas. On a beau sonner, on reste plantés là sur le pas de la porte.

Il y avait pourtant de quoi intriguer. Les personnages les plus intéressants sont bien entendu ceux d'Amalric et de Miranda Colclasure : leurs fêlures sont apparentes. Dysfonctions qu'on ne nous fait qu'effleurer. Le film ne nous en dit pas plus que quelques rares scènes finalement, très courtes de surcroît, trop courtes. Je voudrais en savoir plus sur Le Meaux, creuser quelques centimètres de plus. D'où vient-elle? Pourquoi pleure-t-elle? D'où provient cette fragilité? Encore que ce ne sont pas directement des réponses que j'attendais mais au moins une évolution de son personnage un peu plus généreuse en indices, en pistes, qu'elle s'offre un peu plus.

Amalric compose une histoire segment dont les autres éléments ne sont pas connus du spectateur. Le film est une tranche de vie, faussement de groupe. On reste en focale sur Amalric et un peu sur Colclasure, encore plus nébuleuse. C'est un parti pris qui en vaut d'autres, louable en soi, seulement il crée chez moi une sorte de fossé, de trop grande distance avec des personnages qui s'isolent. Je préfère un cinéma un peu moins avare, où l'on n'est pas obligé de creuser aussi profond à la place du scénario ou de la mise en scène. Parfois ce procédé fonctionne et même apparait comme une bénédiction. Sur "Tournée", à ce moment là, je n'ai pas pu ou eu envie de ce type de film.

Peut-être aussi que l'aspect formel du film ne m'a pas suffisamment charmé pour que je me satisfasse des mystères ou des pudeurs de ce récit.
La photographie, les cadrages, la mise en image en général n'a pas beaucoup de charme. A mon goût bien entendu. Je n'ai pas senti une réflexion spécifique sur le plan visuel.

Je n'ai pas été non plus emballé par le jeu des comédiens (à part Aurélia Petit, la pompiste, que j'ai trouvée très crédible et précise). Peut-être Colclasure, oui, elle joue plutôt pas mal. Amalric me parait décevant. Certaines scènes sonnent faux : la pire étant celle d'Anne Benoît (la caissière du supermarché) trop chargée, ou bien celle d'Amalric en colère dans le train, trop spectaculaire et éructante pour chanter vrai.

L'idée du film est vraiment excitante. Les personnages sont attirants. On songe à Tandem de Leconte, à ces canards boiteux qui essaient de courir le plus vite possible, pour ne pas perdre leur équilibre déjà vacillant, une course en trompe l'oeil. Quel dommage qu'Amalric lésine tant.

J'ai écouté "Projection privée" avec Amalric espérant une explication, un éclairage sur cette sorte de sécheresse ressentie. Où me suis-je trompé? Malheureusement, pas de lumière. Tout ce qu'il raconte, je le sais déjà. Le film est donc lisible. Gourmand, j'en voulais plus.
Alligator
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le 13 avr. 2013

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Alligator

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