Toy Story
7.7
Toy Story

Long-métrage d'animation de John Lasseter (1995)

« Vers l’infini et l’au-delà » mais on y est pas encore

Après des années à démontrer leur talent technique par des courts-métrages et publicités, Pixar se met à jouer dans la cour des longs-métrages d’animation avec le premier d’entre eux réalisé intégralement à l’ordinateur, défi technologique majeur mais surtout pari très risqué en 1995. Réalisé par John Lasseter, solidement entouré à l’animation et à l’écriture de l’essentiel de ceux qui deviendront les différents illustres réalisateurs de Pixar les années suivantes, notamment Pete Docter et Andrew Staton, le film va devoir prouver l’intérêt de son concept innovant tout au long d’un récit entravé par les limites de ce même concept. Est-ce que j’adhérais déjà à cette proposition dès ses premières heures ou est-ce qu’il m’a fallu plus de temps pour que le studio fasse partie de mes studios d’animation préférés ? Il est temps de le découvrir.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆



L’animation toute en 3D dont était capable Pixar à l’époque donnait une allure assez plastique à ce qui devait paraître plus organique, c’est à partir de là que des jouets comme héros ont été pensés. L’idée originale du film induite par le challenge technique est donc d’une parfaite cohérence, prouvant qu’il ne s’agissait pas simplement d’un caprice du réalisateur ou d’une envie de se différencier à tout prix de la concurrence, Toy Story fut le fruit d’une réflexion de longue date pour parvenir à une démonstration visuelle aussi impressionnante aux yeux de cinéphiles avisés qu’accessible au grand public essentiellement visé.


J’aime bien comment cet échange entre Andrew Staton, ici scénariste, John Lasseter et Joe Ranft, directeur artistique, résume cet état d’esprit avant-gardiste :



Andrew Stanton : On faisait ce qui nous semblait logique et si on ne pouvait pas alors on trouvait un moyen.
John Lasseter : Pixar a toujours innové, fait ce qui n’a jamais été fait ailleurs. On a toujours travaillé comme ça.
Joe Ranft : Les story-board de Toy Story ne ressemblaient à aucun autre de ceux que j’avais pu voir.



Alors évidemment que les années ont fait progressé la technologie si vite que le film est rapidement devenu obsolète avec ses personnages humains quasiment clonés, ses textures manquant de détails, sa gestion de la lumière assez sommaire, ses effets de fumées très austères… mais c’était le premier film du genre, c’est parfaitement normal, bien meilleur que tout ce qui pouvait se faire ici ou là et ce n’est absolument pas là que je ferais des reproches au film. Cette méthode d’animation très particulière permet par ailleurs des reflets nombreux et détaillés, une animation faciale proche des prises de vue réelle… et s’accompagne ainsi de belles forces visuelles assez uniques que le film aura l’intelligence de faire valoir.


Le concept implique nécessairement des rapports d’échelle intéressants à l’écran avec des petits personnages dans des décors humains géants depuis leur perspective mais l’intérêt de la mise en scène ne s’arrête pas là. Par exemple, un jouet catapulté dans les airs sur un plan large démontrera l’étendue de la scène alors qu’un passage en vue subjectif en pleine action permettra de comprendre le vertige ressenti par le personnage. Ce travail peut aussi se retrouver dans quelques enchaînements de cascades assez bien pensés et spectaculaires pour que les jouets puissent notamment s’aider entre eux avec leurs caractéristiques et capacités hors normes.


Le sound-design n’est pas non plus négligé entre les bruitages emblématiques repris de films à succès comme Indiana Jones, Jurassik Park, Star Wars... ou ceux des jouets fictifs, au sens créés pour ce film, évoquant très bien les grandes séries de jouets existants et dont ils peuvent être inspirés. La violence peut être assez édulcorée très facilement en rajoutant des petits bruits de grincements lors de coups de poings par exemple. En revanche, côté musique je ne trouve pas You've Got a Friend in Me si bon que ça, autant comme thème d’introduction que comme thème de fin, malgré sa très solide réputation je n’apprécie que le texte, pas la voix ni l’accompagnement musical.


Pour en revenir aux forces du film, l’idée originale est très bien exploitée par delà ses ambitions techniques, autant sur le plan esthétique que narratif. Les jouets ont tous des styles visuels qui leur sont propres et qui permettent d’insuffler des émotions et des ambiances très intuitivement pour les enfants. Ça peut même marcher un peu trop, le ton très enfantin de 75 % du film est pour moi incompatible avec les designs anxiogènes et malaisant des 25 % restants. C’est l’une des rares fois où je trouverai qu’un long-métrage Pixar fait une erreur de ce type, une erreur de jeunesse dirons-nous, à l’image du cliché du tee-shirt noir avec une tête de mort pour dire qu’il est méchant cet enfant, assez paresseux.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆



Si donner vie à des jouets peut vite devenir absurde et donner un univers aux règles assez floues, le récit va tout de même parvenir à assez bien le recentrer et le traduire progressivement en montrant que les jouets ne prennent vie qu’une fois l’enfant parti, leur attribuant des premières répliques pour qu’on comprenne qu’ils ont bien conscience de leur statut… Néanmoins, je trouve dommage qu’une mécanique de l’univers absolument fondamentale ne soit jamais expliquée dans le récit : les jouets ne peuvent plus bouger dès qu’ils sont observés par des humains. L’idée est très bonne, permettant de garder cette idée qu’il est normal que l’enfant ne les voit que comme des objets et non des être vivants, mais pourquoi ne pas l’avoir expliqué dans les dialogues ?


Et cette règle fondamentale à la cohérence de l’univers est explicitement brisée lors d’une scène importante car ils n’avaient pas trouvé comment développé leur propos ou leur mise en scène sans s’affranchir de cette règle. Pendant tout le film, savoir qu’un jouet peut prendre vie sous le regard d’humain ruine la crédibilité de l’ensemble. Un autre problème que j’ai avec ces jouets c’est qu’ils sont trop nombreux pour un long métrage de 1h20, ainsi beaucoup apparaissent souvent mais n’apportent pas grand-chose, l’exemple type étant la Bergère pourtant l’un des rares personnages féminins, d’autres apparaissent le temps d’une scène pour une blague ou une idée de mise en scène précise avant de soudainement disparaître du reste du film sans aucune explication.


Si Pixar s’est construit une réputation d’aborder des thématiques complexes et matures dans un récit à la portée des plus jeunes, c’était déjà dans leurs intentions dès ce premier film. La thématique évidente de la stimulation de l’imaginaire lors de l’enfance à travers le personnage d’Andy est aussi renforcée par la quête de l’identité poursuivie par Buzz et par le besoin de ne plus être égocentrique vécu par Woody. Malheureusement je trouve que ces ambitions nuisent au récit in fine car elles ne sont pas encore maîtrisées à mon sens, mon reproche premier est sans doute là.


Woody devient un héros antipathique, égoïste, menteur, jaloux, fourbe... sur une large partie du script, alors qu’il est le protagoniste, assez déplacé dans un récit visant surtout les enfants. Les jouets réagissent avec lui de façon plutôt bienveillante et naïve quand il ne le mérite pas et deviennent cruels quand il mériterait de nouveau leur confiance, ce qui participe à les rendre également antipathiques à mes yeux. Seule la quête de Buzz me semble bien maîtrisée mais ce n’est qu’une partie du récit, insuffisant à mon sens que le cœur même du récit soit une réelle réussite à mes yeux.


Ne pouvant pas compter sur un budget trop conséquent sur le casting vocal étant donné le budget alloué à la technique et le manque d’expérience du studio, mais ayant tout de même besoin d’une tête d’affiche pour maximiser leurs chances de succès, le studio a eu la bonne intuition de miser sur Tom Hanks juste avant qu’il ne cartonne avec Philadelphia, Appolo 13… au parfait moment pour bénéficier de sa notoriété sans devoir la payer au prix fort. Mais pour moi, Tim Allen, surtout connu pour ce rôle, doublé en français par l’immense Richard Darbois, est bien meilleur dans le rôle de Buzz, le second rôle.



CONCLUSION : ★★★★★★☆☆☆☆



Si je suis très client de la réalisation toute à l’ordinateur et des intentions esthétiques et narratives de base, je ne suis pas le plus grand fan du récit de ce premier Toy Story et long-métrage de Pixar avec des soucis de cohérence majeurs et du manque d’équilibre entre la maturité du propos et l’aspect enfantin de l’univers. Mais je suis bien content d’être un peu seul dans mon coin à avoir ressenti ça, enfant comme adulte, car son succès colossal, presque 400 millions au box-office contre 30 millions de budget, va lancer pleinement le studio qui réalisera par la suite parmi mes films d’animation préférés.

damon8671
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le 3 janv. 2021

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