Toy Story 3
7.5
Toy Story 3

Long-métrage d'animation de Lee Unkrich (2010)

Mince ! M’étant toujours méfié des suites, j’avais éclipsé Toy Story 3… Pourtant aujourd’hui, à voir la trilogie, c’est bien celui qui me touche le plus ! Et j’ai l’intuition que le temps y est pour quelque chose.


Car il s’en est passé, du temps, depuis la sortie du deuxième… L’idée qu’un jour Andy grandisse et abandonne ses jouets planait bien au-dessus des premiers opus… Mais ce problème insoluble n’avait pas encore de raison d’être abordé. Même si Woody en prenait conscience peu à peu. Car si la première victoire des jouets leur paraissait éternel, Woody finissait déjà par accepter l’idée d’être un jour délaissé, dans Toy Story 2. C’était une fin satisfaisante, elle repoussait l’affaire à plus tard… Quelle courageuse démarche de la part des scénaristes que de s’y être finalement attaqués ! La confrontation s’est avérée payante, le film atteint une autre dimension.


Mais d’abord, il n’en montre rien. Toy Story 3 fonctionne comme ses aïeux: le petit monde des jouets est menacé ; pour échapper à l’oubli, il lui faut traverser moult péripéties ; d’une opération à l’autre, le travail d’équipe finit par l’emporter ; et les jouets attirent enfin l’attention de leurs propriétaires.
C’est drôle, l’objectif est toujours passif. Woody et compagnie accomplissent d’impressionnants détours, tout ça pour arriver sous les yeux des humains ! Ce jeu de relativité me plaît tant ! Leur échelle nous fait redécouvrir le monde ! Il leur faut s’adapter en permanence, car ils ne maîtrisent rien ; si bien que le scénario est toujours relancé par l’intervention inattendue d’un humain géant – soit l’art de légitimer le deus ex machina. (Au passage, incroyable deus ex machina final, qui s’assume en tant que tel, puisqu’il s’agit du Grappin ! Génial…)
Bref, c’est ce qui doit tant plaire aux enfants, car eux aussi vivent dans un monde qui les dépasse. Un monde adulte, qui leur paraît immense, fantastique (une usine d’incinération a l’air d’une caverne de dragon) !
Mais ça ne s’applique pas qu’aux enfants : face à l’univers, l’écart entre notre échelle et celle des jouets est mince ! Alors quelque part, je pense que Toy Story décrit aussi notre condition humaine, d’une façon amusante. En nous apprenant au passage que notre seul pouvoir face à cette immensité, c’est bien l’union – si bien que chaque fois qu’un personnage s’isole dans la trilogie, ça tourne mal pour lui (avant que les autres ne le sauvent).


Car si ce film parle aux enfants, il ne traite pas moins de sujets universels ! Ainsi beaucoup d’émotions traversent la scène finale, lorsqu’Andy transmet ses jouets à une petite fille. Lee Ulkrich, réalisateur du film, racontait que cette scène lui venait de sa propre jeunesse, quand il avait du quitter la chambre de sa grand-mère, en sachant qu’il ne la reverrait plus. Il s’exprime ici au travers d’Andy.
Mais ce qui m’a personnellement touché, c’est un plan particulier. Au moment des adieux, la petite agite le bras de Woody. Andy a un sursaut, ça le prend au cœur. Parce qu’il l’a vu bouger, revivre un instant. C’est si simple ; et juste, car mille fois plus puissant que si Woody lui avait fait un clin d’œil !
Ce qui émeut le plus, c’est peut-être cette irruption de scènes bien réelles au beau milieu de l’extraordinaire. Certes, elles sont quotidiennes, mais c’est justement cette situation qui leur donne l’ampleur qu’elles méritent.


Toy Story 3 est un de ces films qui, subitement, vous tire des larmes. Sans prévenir, au détour d’un plan. Quand une mère enlace son fils qui part à l’université, qu’elle se retient de pleurer, lui avouant qu’elle aurait toujours voulu rester avec lui, par exemple. Alors que l’histoire d’Andy était resté discrète, soudain elle apparaît, sous le regard de Woody. Parce que c’est ça, quand même, un enfant qui part de la maison. Et parce que ce sentiment de la mère est partagé par les jouets – eux qui surnomment les humains « leurs enfants ». C’est là que le film prend une autre dimension : Woody se retourne dans sa boîte pour regarder une photo d’Andy avec eux, ses jouets. Mais on réalise que, derrière l’appareil photo, il y avait aussi un parent. Comme derrière les images super-8 qu’on nous montrait au début du film…


En quinze années qui séparent Toy Story de ce troisième opus, les scénaristes ont eu le temps d’élever eux-mêmes des enfants. Et ils l’expriment, modestement. Voilà peut-être ce qui donne à ce film sa densité particulière, sa maturité pourrait-on dire. Finalement, le temps permet aussi de voir les auteurs grandir.


P.S. : J’attends donc la sortie du 4ème avec impatience ! Neuf ans ce seront écoulés, de nouveau.
Le film vient d’ailleurs d’être repoussé, pour cause de réécriture – car oui, chez Pixar, on n’hésite pas à jeter les trois quarts du scénario qu’on juge mauvais, pour tout reprendre ! Ça fait chaud au cœur de voir tant d’importance accordée à la qualité (quand on voit ce que devient une certaine franchise intergalactique)…

Alexcovo
10
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le 5 juin 2018

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4 j'aime

Alexcovo

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