Toy Story 4
7.1
Toy Story 4

Long-métrage d'animation de Josh Cooley (2019)

« Toy Story 4 » : au hasard de « Fourchette »

C’est un signe qui ne trompe pas : ce quatrième épisode de la saga Toy Story débute par une séparation. Le shérif Woody assiste, impuissant, au départ de la Bergère qu’il affectionne tant. Le sentiment d’abandon et de dépossession nourrit depuis 1995 les aventures des jouets les plus célèbres de la galaxie Disney-Pixar. Ce n’est toutefois pas le seul invariant à s’inviter dans le récit : les enfants ont évidemment voix au chapitre. Bonnie, malaisée, s’apprête à faire son entrée à l’école maternelle. Anxieuse, penaude, elle se retrouve esseulée et reléguée au fond de la classe. Seule « Fourchette », un jouet confectionné par ses soins à partir de déchets, pourra l’aider à affronter une initiation scolaire douloureuse.


Déchet/jouet. Il y a comme un jeu de vases communicants entre « Fourchette » et Woody. Alors que le premier a les faveurs – un peu trop pressantes – de Bonnie, le second passe de plus en plus de temps oublié dans un placard. Dès l’arrivée de Buzz dans le premier épisode de la saga, le petit cowboy craignait déjà de passer au second plan, de voir « son » enfant se détourner de lui. C’est ce Woody ontologiquement diminué qui s’évertue à convaincre « Fourchette » qu’il a acquis le statut enviable de jouet par la seule attention que lui porte Bonnie. Qu’importe : l’ancien déchet, extirpé malgré lui d’une poubelle de classe, refuse de s’affranchir de sa condition première, ce qui donnera lieu à quelques séquences amusantes : les sauts incessants dans les corbeilles ou la balade nocturne le long d’une route.


Bientôt, Bonnie et ses parents décident de s’accorder un peu de bon temps et partent en escapade dans leur camping-car. « Fourchette » atterrit alors dans une boutique d’antiquités peu avenante. Là-bas, le jouet artisanal croise la route de Gabby et ses sbires, les Benson. Le récit va alors se gorger d’une dimension horrifique bon enfant, habilement restituée à l’écran. Gabby a un émetteur sonore défectueux et ambitionne de prélever celui de Woody pour se donner toutes les chances de conquérir le cœur d’une gamine. Partant, les scènes se déroulant à l’intérieur de la boutique feront succéder l’action à la tension, l’humour au spectacle, l’envie au désespoir, tout en introduisant une vaste gamme de personnages. Outre Gabby et ses Benson, le spectateur est appelé à découvrir un chat tortionnaire, un Duke Caboom cascadeur à l’accent irrésistible ou encore une grand-mère gérante de magasin porteuse d’une clef pour le moins convoitée…


Dans le passé, Buzz a eu un double niais, puis s’est fondu dans une version latinisée. Ici, il suit aveuglément une « voix intérieure ». Au sens propre. Ainsi, le robot galactique, cherchant à s’inspirer de la sagesse de Woody, appuie régulièrement sur ses boutons vocaux, aux messages aléatoires, pour prendre des décisions importantes, avec tous les désagréments et quiproquos que cela occasionne. Les peluches Ducky et Bunny alternent quant à elles bons mots et visions fantasmagoriques effarantes, tandis que plusieurs tableaux remarquables investissent l’écran : les lumières, mouvements et courses folles de la fête foraine ou les milliers d’objets, dont les plafonniers, de la boutique d’antiquités. Tout le travail visuel s’avère à saluer : Toy Story 4 atteint un degré de détail et de réalisme saisissant, fait fourmiller personnages et accessoires, faisant presque passer John Lasseter et Lee Unkrich pour des ascètes. Le film de Josh Cooley, néoréalisateur, se clôture en outre par deux moments réussis : un retour à la maison (drôlement) contrarié et la quête achevée de Gabby.


Il y a cependant un hic. Chorale et rythmée, cette suite n’en demeure pas moins ronronnante d’un point de vue scénaristique. Si les idées continuent d’abonder de manière échevelée, ce qui fait lien sous le label Toy Story ne connaît en définitive que des variations mineures : le sentiment d’être négligé, l’ombre écrasante d’Andy, les rapports doux-amers entre les enfants et les jouets. Il aurait été appréciable que les auteurs se montrent plus audacieux et se risquent à des thématiques nouvelles. Le dénouement apparaît en outre trop long et lacrymal. Cette suite n’a certes rien d’un objet lacunaire, mais ces quelques notes plus nuancées fragilisent une œuvre attendue, mine de rien, depuis presque dix ans.


Article publié sur Le Mag du Ciné

Cultural_Mind
7
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le 26 juin 2019

Critique lue 584 fois

29 j'aime

Cultural Mind

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