En revoyant quelques films de Robin Williams récemment, je me suis vraiment pris de passion pour l’acteur, et chaque œuvre où il démontrait un peu de son talent me donnait envie d’en voir toujours plus. Mais je suis vite arrivé à court de bons films. Toys est le dernier qui me tente réellement ; sa moyenne n’est pas très encourageante, mais au vu du sujet je me suis dit que ça pourrait me plaire malgré tout.


Sur le point de mourir, le président de Zevo Toys confie son entreprise à son frère Leland, militaire rigide et dépourvu d’humour. On se demande bien pourquoi : il aurait pu donner les rênes à son bras droit, ou à son fils Leslie. Ce dernier ne serait pas à la hauteur de ces responsabilités… pourtant, il semble être le même blagueur invétéré et immature que son fils.
Williams joue là encore ce rôle de l’enfant dans un corps d’adulte ; sa sœur Alsatia par contre, jouée par Joan Cusack, n’a pas seulement gardé son âme d’enfant mais aussi l’intellect qui va avec.
La caractérisation des personnages est très caricaturale, on a le militaire droit dans ses bottes qui arbore toujours sa tenue de général, tandis que son frère porte des chaussons lumineux et une casquette à hélice, comme un gosse. Certes c’est à des fins comiques, mais le réalisateur a eu la main lourde.
Toys n’est pas un film bien subtil, ni cohérent. Au début les employés de la fabrique de jouets sont tout le temps de bonne humeur, ils dansent en permanence tandis qu’ils assemblent les produits ; une vision idyllique du travail que je trouve saugrenue (et qui m’a laissé imaginer un scénario malsain où l’on forcerait les employés à avoir l’air heureux).
Tandis que le nouveau patron, qui veut lancer une série de jouets sur le thème de la guerre puis carrément en faire des armes téléguidées par des enfants, transforme le lieu de travail en un camp militaire, où les gardes ont des uniformes de nazis.
L’ambiance au boulot change radicalement, les employés habitués à un esprit léger et rigolard sont confrontés à la rigidité de leurs employeurs…
Dans l’idée, ça me plaisait de voir symbolisée d’une certaine façon la corruption de l’innocence par le changement de direction dans cette usine de jouets… mais le traitement est vraiment bancal.


On ne sait pas sur quel pied danser en voyant ce film, qui ne parvient pas à fixer le ton correctement ; même la musique s’avère troublante en ne reflétant pas bien ce qu’est censé exprimer tel moment. Des scènes alternent entre humour et gravité sans harmonie ; un instant un des gardes se montre menaçant, et l’instant suivant son comportement est tourné en ridicule.
Progressivement, Leland sombre dans une folie psychopathique, il essaye de tuer des gens… mais le film cherche encore à nous en faire rire, alors que c’est crispant à voir.
L’humour de Toys tombe souvent à plat, il y a des gags trop génériques, parfois des blagues un peu vulgaires dont la présence dans ce film pour enfants surprend.
Il y a heureusement par moments des idées burlesques tout à fait énormes, qui frisent le surréalisme, comme lors de la traversée des canards, la scène avec le costume qui crée des bruitages, ou alors le clip MTV joué en live (une scène totalement gratuite mais bien fun).
Et il y a Robin Williams, qui parvient à rendre drôle quelques gags pourtant banals, et qui nous sort quelques jolies impros, même si son personnage a en définitive assez peu de place dans le film pour que l’acteur se lâche vraiment.
L’humour dont il fait preuve ici est toutefois différent de ce à quoi il nous a habitué, il est davantage pince-sans-rire, il garde son sérieux tout en sortant des répliques tout à fait absurdes dans des situations déjà cocasses ; ça fonctionne très bien en tout cas.
Le héros finit toutefois par devenir presque agaçant, à tout tourner en dérision (ce qu’on lui reproche d’ailleurs). Leslie n’est pas un personnage assez nuancé, il demeure un clown tout au long du film, sans proposer autre chose. De plus c’est à ce caractère puéril que j’attribue sa passivité, qui passe pour de la couardise, puisqu’il faut attendre jusqu’à la fin du film pour qu’il intervienne enfin. Pendant 1h de long-métrage, on suit d’un côté Leland qui veut créer des armes, et de l’autre Leslie qui fabrique de nouveaux jouets, tombe amoureux, … sans que les deux intrigues ne se joignent, comme si elles appartenaient à deux films différents.
Toys aurait sûrement gagné à être plus court, à accélérer voire supprimer certains passages ; surtout que le final, complètement chaotique, est interminable.


La plus grosse qualité de Toys, c’est assurément ses décors. Barry Levinson concrétise, à l’aide d’un gros budget, la vision qu’aurait un gosse d’une usine de jouets.
On dirait plus un parc d’attraction qu’une entreprise, tout y ressemble à des jouets géants : les machines, la déco, les objets, les bâtiments, … On croirait voir des humains miniaturisés dans des maisons de poupée.
C’est vraiment impressionnant, les designs sont inventifs et colorés, et là aussi on trouve quelques unes des idées brillantes du film : la réorganisation de l’espace de travail, qui se fait comme dans une partie de Tetris.
Bien que Levinson nous serve tout un tas de plans laids où l’on a des travelings flous au ralenti, sa mise en scène se montre éclairée dans la façon de mettre en valeur l’environnement. Ça joue sur les proportions : on prend une miniature pour ce qui est à échelle réelle, et inversement. Ironiquement, les décors à taille normale sont d’une facticité qui font penser à des maquettes géantes.
C’est n’importe quoi… mais ça fait rêver. Et ça fait plaisir au moins de voir un film qui ne ressemble à nul autre. Toys est encore un de ceux dont on se dit qu’ils ne pourraient jamais se faire aujourd’hui.
C’est une œuvre très imparfaite, mais qui au moins se veut différente… et je préfère encore largement ça à un divertissement aseptisé.

Fry3000
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le 18 nov. 2016

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Wykydtron IV

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