C'est un polar. C'est minimaliste. C'est aussi brut de décoffrage qu'une plaque de bitume.
Et du bitume sale, noyé dans une nuit sans fin, nos protagonistes vont y gouter, et pas qu'un peu...
L'effarant quotidien sordide dans toute sa splendeur : Des êtres à la présence compacte (superbement réussi !) qui foncent vers l'autodestruction avec un fatalisme proche de la folie.
Pas de "coups de gueule", pas de démonstrations abusives de testostérone, pas de BO qui vous matraque les tympans. Non. Mais une mélancolie blasée sur ce que l'humain peut avoir de pire et parfois de meilleur, dans les moments les plus incongrus.
Et ça, S. Craig Sahler sait parfaitement le distiller tout au long de cette traque, dont le déclencheur subtil nait dans le bureau du Lt Calvert, un Don Johnson abominablement cynique, qui semble simple mais qui porte en elle des abîmes d'horreurs.
Les acteurs habitent avec justesse, je dirai même maestria, leur personnage : Mel Gibson qui ne cache pas son visage aux traits burinés et tellement fatigués, Vince Vaughn le géant aux gestes ralentis, finalement résigné sur son sort, Tory Kittles qui sort de taule et replonge sans se poser de questions existentielles dans un coup glauque et mystérieux (c'est aussi l'une des forces de ce film : le réalisateur nous évite les tortures mélos de l'anti-héros qui ne sait pas s'il doit "replonger de la m*** pour son pote ou non", parce que blablabla...)
Même les seconds rôles ont une présence écrasante : la mère "pute sur les bords" de Kittles/Henry, l'ado du flic Gibson/Brett qui reste zen face aux agressions répétées qu'elle subi sur le chemin de son lycée, mois après mois, la jeune mère jouée par Jennifer Carpenter, obligée d'aller bosser alors qu'elle vient d'avoir un bébé... Toute cette humanité qui vit et meurt avec une facilité déconcertante et nauséeuse.
Conseil à ceux qui aiment les courses-poursuites, les explosions, les effets spéciaux : Il n'y en a pas. Par contre, il y a du sang. Quand il le faut, cyniquement parlant. Et ces scènes surprennent par leur violence pure, gratuites et sans pathos.
Ce qui rend ce film unique, dérangeant, et de ma propre opinion réussi car certaines séquences restent bien implantées dans nos mémoires, c'est que le réalisateur et son équipe nous montre le visage souvent laid de notre réalité, entre mensonges, bravoure et bêtise.

Elisariel
8
Écrit par

Créée

le 16 août 2019

Critique lue 430 fois

4 j'aime

2 commentaires

Elisariel

Écrit par

Critique lue 430 fois

4
2

D'autres avis sur Traîné sur le bitume

Traîné sur le bitume
mymp
7

Béton armé

Pourquoi ? Pourquoi les films de S. Craig Zahler ne sont-ils pas distribués en France ? Pourquoi sont-ils systématiquement relégués à un direct-to-video, pourquoi n’ont-ils pas droit à une vraie...

Par

le 17 juin 2019

29 j'aime

7

Traîné sur le bitume
MathildeLabouyrie
7

Une beauté macabre

Les conditions de visionnage ont sûrement beaucoup influencé mon avis. Il est 8h du matin et j'ai peu dormi. Je m'apprête à voir un film de 2h30 avec deux acteurs que j'apprécie assez peu. Je ne...

le 23 oct. 2018

24 j'aime

5

Traîné sur le bitume
MalevolentReviews
4

La nuit la plus longue

Nouvel auteur underground émergent, Steven Craig Zahler a su ameuter une bonne petite fanbase grâce à de petits films remarqués, à savoir le western horrifique Bone Tomahawk et le drame carcéral...

le 1 août 2019

16 j'aime

3

Du même critique

Avengers: Infinity War
Elisariel
8

... A l'infinité de l'amour...

Blockbuster choral où les histoires s'entremêlent pour tisser un film flamboyant et épique. Il sort nettement du lot car il porte en lui le reflet d'une tragédie grecque violente, inhumaine dans ses...

le 1 mai 2018

18 j'aime

12

Ready Player One
Elisariel
3

Vacuité virtuelle

Quel tapage médiatique ! Parce que c'est Steven Spielberg ? Je l'ai vu en version numérique. Je pense sincèrement que la version 3D n'aurait rien changé à ma décevante sidération. Que dire sans...

le 6 avr. 2018

16 j'aime

20

Blade Runner 2049
Elisariel
9

... Et la nuit n'en finit plus de nous broyer.

Des pluies noires acides et angoissantes aux cendres brumeuses et mélancoliques. Les humains fragiles et immoraux, des Nexus endurants et effroyablement humains. Un scientifique aveugle, un ange...

le 10 mars 2018

16 j'aime

13