Il y a une réunion de famille qui s’organise, et au début on ne sait pas trop pourquoi, sur quel sujet, pour quel drame, et peut-être y a-t-il eu un mort… Tout se concentre très vite autour de Pablo qui semble avoir commis l’irréparable, le pire, causant incompréhension et afflictions auprès de ses parents, de son frère et sa sœur, de sa femme et ses enfants. Pourtant Pablo est exemplaire, un homme «comme il faut» aux yeux de l’État guatémaltèque : une bonne situation, religieux fervent et pratiquant, marié et des enfants merveilleux. Seulement Pablo est aussi amoureux de Francisco, et ça Dieu ne le tolère pas, pas plus que cette société profondément chrétienne considérant l’homosexualité comme une maladie, une damnation, et même un penchant pédophile.


Pour ne pas être banni du cercle familial et définitivement mis à l’écart de ses enfants, Pablo va devoir «guérir», accepter de suivre un séminaire de réorientation sexuelle pouvant aller jusqu’à la castration chimique. Jayro Bustamante suit le parcours de cet homme dont on ne veut pas admettre la «différence» ni comprendre la nature, mais qu’on oblige à rentrer dans le droit chemin, à n’être que le modèle parfait imposé par des carcans religieux et traditionnalistes (qui n’épargnent pas non plus les femmes dont la fonction principale n’est de devenir qu’une épouse entièrement dévouée au bon vivre de son mari). Carcans qui ne lui laissent aucune issue, aucun épanouissement possible, que ce soit dans une hétérosexualité de façade, étouffante et sclérosante, ou dans une homosexualité libre mais rejetée (et chèrement payée).


La dernière partie du film s’attache à décrire ces thérapies de conversion déjà évoquées (et dénoncées) dans le récent Boy erased où l’institution sacrée sert à détruire les personnalités et à dicter ses lois (surtout au Guatemala où, rappelle Bustamante, les mouvements évangélistes sont quasiment devenus une force politique). Tremblements souffre d’ailleurs des mêmes défauts que le film de Joel Edgerton, à savoir une mise en scène guindée qui ne sait pas s’imposer face à son sujet quand elle n’en souligne pas, maladroitement, les soubresauts existentiels avec cette métaphore convenue du tremblement de terre. Ce manque de singularité va jusqu’à altérer une interprétation trop flagrante dans ses attributions (les parents qui se lamentent, le beau-frère rapace, l’amant gentil et cool issu du milieu populaire…) et qui peine à transmettre caractère et, beaucoup plus fâcheux, émotions.


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
5
Écrit par

Créée

le 30 avr. 2019

Critique lue 746 fois

3 j'aime

mymp

Écrit par

Critique lue 746 fois

3

D'autres avis sur Tremblements

Tremblements
Cinephile-doux
7

Brebis égarée

Quel cinéphile avait déjà vu un film guatémaltèque avant de découvrir Ixcanul de Jayro Bustamante, qui a laissé un magnifique souvenir alors que l'oeuvre était (aussi) extrêmement exigeante ? Même...

le 3 mai 2019

6 j'aime

Tremblements
limma
7

Critique de Tremblements par limma

Jayro Bustamante filme la descente aux enfers d'un homme installé socialement et sa capacité à s'oublier pour pouvoir, de manière contradictoire continuer à vivre librement et reprendre ses droits...

le 18 mars 2022

4 j'aime

3

Tremblements
fabien1983
7

L'amour d'un homme pour un autre homme confronté à l'amour d'un père pour ses enfants

Pour moi, il manque clairement au film la scène de la rencontre entre les deux hommes qui vont s'aimer. Elle permettrait sans doute de mieux comprendre ce qui a poussé Pablo dans les bras de...

le 8 mai 2019

4 j'aime

Du même critique

Gravity
mymp
4

En quête d'(h)auteur

Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...

Par

le 19 oct. 2013

180 j'aime

43

Killers of the Flower Moon
mymp
4

Osage, ô désespoir

Un livre d’abord. Un best-seller même. Celui de David Grann (La note américaine) qui, au fil de plus de 400 pages, revient sur les assassinats de masse perpétrés contre les Indiens Osages au début...

Par

le 23 oct. 2023

169 j'aime

14

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

161 j'aime

25