Quel cinéphile avait déjà vu un film guatémaltèque avant de découvrir Ixcanul de Jayro Bustamante, qui a laissé un magnifique souvenir alors que l'oeuvre était (aussi) extrêmement exigeante ? Même constat avec Tremblements où l'exploration de la société de ce pays d'Amérique centrale se déplace du rural à l'urbain avec une très sombre histoire jusqu'à son esthétisme très léché. L'homophobie viscérale de la bourgeoisie locale et de son alliée, la religion, à travers notamment ses missions évangéliques, est montrée en évitant toute caricature, voire même de jugement moral (ce qui incite certains critiques à parler de complaisance, ce qui est évidemment ridicule). La mise en scène de Bustamante est à la fois feutrée et puissante, notamment dans les scènes d'appartement et d'église, encapsulant la violence dans un lieu précis sous des dehors presque doux. A côté de la brebis égarée qu'est le héros de Tremblements, avec son homosexualité qui le fait culpabiliser devant le regard de ses proches, le scénario du film a l'intelligence d'accorder presque autant d'importance à son épouse, à ses enfants, à son amant, au reste de sa famille, au gré d'un curseur qui se meut avec agilité. Malgré une interprétation un peu raide de ses principaux protagonistes et un montage parfois abrupt, Tremblements impressionne par sa maîtrise de l'image et de la narration. Comme il est possible que Bustamante soit happé par les studios hollywoodiens, il ne reste plus qu'à prier pour qu'il poursuive son chemin en Amérique Latine, en continuant d'en dévoiler les idiosyncrasies. Son cinéma est précieux et essentiel.

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le 3 mai 2019

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