"True Grit" reprend une trame qui est l'essence du western : une traque pour se venger, au milieu d'une nature hostile. En l'occurrence la traque est menée par une jeune fille de 14 ans, pas très belle, garçon manqué, raisonneuse, qui paie un marshall indigne, alcoolique et dur à cuire, Rooster Cogburn, ainsi qu'un marshall du Texas, plus propre sur lui, Laboeuf.
Bon, voilà ce qui ressort d'une deuxième vision : "True Grit" est un remake, d'accord. Je n'ai pas vu l'original, donc ça ne fausse pas ma vision, mais j'avais bien aimé la suite avec John Wayne, "Une Bible et un fusil". Il y a des paysages, de beaux décors, comme ces cabanes vues de nuit qui s'illuminent brièvement quand un homme sort avec une lanterne. Le film étant censé se passer en hiver, la lumière est jaune pâle, assez froide. L'environnement oscille entre le désertique et le forestier. Il y a des serpents à sonnette (horrible scène du puits), des outlaws, un charlatan vêtu d'une peau d'ours, un cadavre pendu très haut et court, quelques blagues de texans (superbe scène de Cogburn au tribunal, sans doute une des meilleures). Il y a des discussions autour des armes, des prouesses machos et des disputes autour du feu de camp.
Il y a quand même un problème : l'héroïne. La gamine a certes un physique intéressant, pas exactement beau, mais elle reste tout de même trop lisse, et il est invraisemblable qu'une paire d'hommes faits comme Cogburn et Laboeuf s'encombrent d'une petite pisseuse. Et puis en-dehors de quelques échanges de tir, on a l'impression que nos cowboys sont surtout occupés à parler. Quelques moments de mutisme et un peu moins d'humour new-yorkais n'auraient pas fait de mal : ce n'est pas un Woody Allen, bon Dieu, c'est un western, et la fameuse scène de marchandage du début, ainsi que toutes les scènes de négociation (et elles sont nombreuses) sont assez fastidieuses à la longue. Nous, le public, sommes des urbains, mais je n'aime pas quand on me le rappelle. ^^
Deux scènes m'ont vraiment marqué : la scène où la gamine traverse la rivière, que je trouve d'une grande photogénie, car on sent les efforts du cheval, et le montage suggère une forte émotion qui passe, pour une fois, tacitement. J'aime bien également la scène où Cogburn crève un cheval sur le chemin du retour pour faire soigner Mattie : les surimpressions du cheval sur le paysage et le montage raffiné me rappellent un très beau film de Sjöström, "Le vent", un western muet surréaliste filmé par un Suédois. En un peu plus lisse, hélas.
Ha, et sinon "True Grit" n'échappe pas à la malédiction qui veut que les Cohen ne sachent pas à quel moment un film doit se finir. Les dix dernières minutes, où l'on voit Mattie vieille tenter de retrouver Cogburn, arriver trois jours trop tard et aller se recueillir sur sa tombe, ne servent strictement à rien. La seule motivation que j'y trouve est que les réalisateurs pensaient en faire un moment poétique de recueillement, un memento mori, mais toute cette séquence fait singulièrement "ajoutée", sans lien avec le reste. Pour d'autres rallongements fastidieux de ce genre, la palme revient probablement à "The Barber", mais on pourrait citer aussi "Barton Fink", "Fargo", et bien d'autres moins bons.
Car c'est la seule chose qu'on pourrait reprocher à "True Grit" : à l'image de son héroïne, et malgré son réalisme presque trivial, le film est un peu trop lisse. C'est une succession de scènes réussies, mais le film ne trouve que par instants un rythme, une véritable respiration.