Nouveau Mexique + Lalo Schifrin = win !
On a fait tout un foin de "Bullitt", comme quoi ce polar au rythme déroutant était l'essence du cool des années 1970.
On avait tort.
A mon sens "Tuez Charley Varrick" est beaucoup plus stylé et beaucoup plus 70's.
C'est le film qui a inspiré "No country for old men", et bon Dieu, ça se sent, même si le scénario est légèrement différent.
Un casse dans une petite ville des Etats-Unis. La copine de Charley et un acolyte se font descendre. Charley et Harman, un jeune trop tête chaude, se planquent dans une caravane. Mais il y a un problème : il y a 750 000 dollars, alors que dans une petite banque comme ça, on attendrait plutôt 30 000. Les braqueurs sont tombés sur une planque de transit pour du fric mafieux en attente de lavage. A leurs trousses, la mafia envoie Molly, une sorte de T 1000 avec un stetson. Il y a aussi le directeur de la banque, Maynard Boyle, en lien avec la mafia, suffisamment pour savoir que ça risque de lui retomber dessus.
Prenez tous ces personnages et ajoutez :
- Des paysages du Nouveau Mexique beaux à pleurer. Grands espaces avec du désert traversés par un ruban de goudron, vertes collines où paît le bétail, casses de voitures, les rues d'Albuquerque, un magasin d'armurerie, un bordel... Des ciels, surtout. "Breaking Bad" ne sort pas de nulle part.
- Des muscle cars qui ne sont pas là que pour la déco : bagnoles de polices éborgnées au passage, enjoliveur qui se barre, virage sur l'aile dans un nuage de poussière, capot qui bloque le pare-brise et qu'on fait pivoter pour mieux voir... Et aussi une scène de poursuite entre une voiture et un biplan pulvérisateur d'engrais.
- Le tout sur du Lalo Schifrin particulièrement inspiré : flute traversière, basse funk, cet instrument en bois qui mime le bruit des criquets... Le cool dégouline de partout. Avec parfois un peu trop d'harmonie imitative (genre : un personnage allume une lampe, on fait résonner la cymbale).
- Il y a ce bon vieux côté "laid-back" qui me plaît tant dans une série comme "Justified" : genre Boyle, qui sait qu'il va voir la mafia au cul, s'arrête avec son associé au bord d'un pâturage, s'assoit à cheval sur la barrière et dit "regarde ça. Tu les vois ? ça m'a tout l'air d'être des vaches". Ou encore en attendant le coroner, il pousse une fillette sur sa balançoire, lui demande le nom de ses frères et soeurs, puis lui dit "au revoir" en partant.
- On retrouve le même humour que dans "No country for old men". Le spectateur ressent de l'empathie pour Charley, il veut qu'il s'en sorte en baisant tout le monde. Et Charley se révèle un foutu vieux renard à qui on ne la fait pas. Peu importe que ce soit invraisemblable : c'était dans le contrat au départ, il fallait bien lire les petits caractères.
- Ne pas oublier les allusions à Hitchcock avec l'avion de "La mort aux trousses" ("North by Northwest" en anglais) et le moment où Charley baise une fille sur un lit rond et qu'elle lui dit "tu ne m'as pas prise sud-sud-ouest"
C'est un très bon film, avec de belles images, un rythme lent, des belles poursuites.
Vu à la filmothèque du Quartier Latin. C'était bondé, apparemment à caude de Libé, qui a fait un article accrocheur sur cette ressortie.