Fidèle à sa nouvelle façon de faire du cinéma, débuté depuis L' Homme sans âge (2007), Francis Ford Coppola a peut-être un budget limité mais pas les idées. Dans un univers gothique à souhait, Twixt se ballade entre humour et horreur, dévoilant l'intimité de son auteur, du fantôme qui le hante au vertige de la page blanche et des affres de la création.

Stephen King de bas-étage, Hall Baltimore (Val Kilmer), arrive dans la petite bourgade de Swann Valley pour promouvoir son dernier roman. Épuisé de se cantonner aux histoires de sorcières, Hall souhaite changer de registre et trouve en la mystérieuse affaire de meurtre relaté par le shérif du coin (Bruce Dern), le sujet idéal. En panne d'inspiration, l'écrivain va directement la puiser dans ses rêves, dans lesquels il rencontre V (Elle Fanning), une jeune adolescente et Edgar Allan Poe (Ben Chaplin).

A 72 ans et une carrière bien remplie (peux de gens peuvent se targuer d'être l'instigateur de plusieurs monuments de cinéma tels la trilogie du Parrain, Apocalypse Now ou encore Dracula), Monsieur Francis Ford Coppola n'a plus rien à prouver, pouvant se permettre quelques fantaisies. Et Twixt en est une merveilleuse. Tout droit sorti de l'un de ses songes, le cinéaste, épris de liberté, laisse libre court à son imagination et intègre autant d'effets de style qu'il lui soit permis. Ainsi, le metteur en scène use de nuits américaines, de surexpositions et de touches de couleurs parsemées ici et là dans le cadre, conférant à ce monde onirique une puissance poétique rare, comme dans cette scène effroyablement belle, où le rouge sang se marie avec le jaune du citron sur un fond de clair de lune bleu acier. F.F Coppola s'essaye même à la 3D qui est, ne le cachons pas, dispensable, mais qui prouve bien la volonté du réalisateur à tenter des choses, et à traduire en images ce qui lui traverse l'esprit.

Revenant au cinéma d'épouvante qui l'a vu débuté en tant qu'assistant réalisateur pour Roger Corman, Coppola reste fidèle aux conventions du genre avant de les démonter, puis de les remodeler à sa façon. Tous les codes inhérents à la littérature et au cinéma gothique y passent, des protagonistes, aux décors inquiétants, à l'ambiance empreinte de mélancolie, ou à l'apparition du plus gothique des romanciers, Edgar Allan Poe. Mais ce qui était annoncé comme une simple histoire de vampires se transforme en toute autre chose, préférant plonger le spectateur dans la quête intime de l'auteur et du deuil qui l'accompagne.

Double fictionnel de F.F Coppola, le personnage de Hall, campé par un Val Kilmer au physique imposant, à travers l'enquête criminelle, entame une introspection, faisant ressurgir instantanément le passé du cinéaste et sa culpabilité face à un drame personnel (la disparition de son fils aîné Gio). Même la présence d'Edgar Poe n'est pas anodine, puisque comme lui, l'auteur du Corbeau était hanté, durant toute sa vie par la mort de sa femme. « Quand j'ai lu Poe, j'ai senti son âme torturé s'immiscer en moi » avouera le metteur en scène.

Totalement libre et anarchique, Twixt empile les effets et brasse un nombre incalculable de thèmes, tout en baladant le spectateur entre rêve et réalité, passant de l'horreur à l'humour en un clin d'œil. Ce trop plein énervera sans doute quelques uns, les autres se laisseront portés par la sincérité d'un Francis Ford Coppola qui se dévoile complètement. Brillant !
claudie_faucand
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le 4 avr. 2012

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claudie_faucand

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