La dure vie des vieux cons moches au lourd passif

L'histoire est simple, forgée avec un genre de vie anormales mais pas extraordinaires. Par endroits ce Ganske Snill Man rappelle les comédies franchouillardes des 1970s, sans en avoir la jeunesse ni l'expressivité potache. Sa plèbe a beau avoir des heures grotesques, elle est trop vieille pour ça. La mise en scène nous met à distance pour mieux juger, le découpage insuffle plus d'empathie, des sentiments charitables transpercent les couches de gras, l'humour blanc et cruel désamorce le pathétique.


Le rapport à Ulrik (Stellan Skarsgard, qui a su massivement s'exporter suite à son apparition dans Breaking the Weaves – utilisé aux USA pour Will Hunting puis Pirates des Caraïbes) est complètement dans cette volonté 'banale' du cinéma de donner un protagoniste proche du spectateur, qui devra nécessairement s'identifier, projeter ou accompagner – sans quoi il passerait 'à côté'. Détaché mais concerné, Ulrik est constamment traité en étranger ou en outil, pressé d'avancer dans un brouillard morne plein de réminiscences déformées de son cadre de référence – sapé par un passage en prison pour meurtre. Lorsqu'il rit 'avec' son fils et sa belle-fille, les observant sans se montrer, il semble parti pour tomber sur notre place, ce qui rend ses retours d'autant plus difficiles. Le mépris, les refus récoltés par ses élans ou ses efforts sont autant de rappels à sa damnation ; au fond il ne peut que mourir – et sans aucune évasion ou vie alternative.


Les autres autour de lui ne sont pas tellement mieux logés. Ulrik est un cancer dans un théâtre de blasés aux crises de laïus intermittentes. Le patron du garage est un sommet dans le genre ; à fond dans son métier et ses présumées 'missions', il sait peut-être (à moins qu'il ait sacrifiée sa véritable conscience si fort ?) qu'il fait semblant d'y croire tout comme il feinte d'avoir une morale, un avis structuré sur tout – mais tout c'est court quand on a pris des ornières ou choisi l'oubli. Ces gens se 'rangent'. Ils n'ont plus envie de tergiverser et suivent un écoulement apathique, tellement tranquilles et sûrs de la médiocrité où ils s'enfoncent. Même la disposition d'esprit pour faire des aigris les dépasse. Au fil de ces placements il reste des ordinaires complets, mais sales, exclus, perdants, parés pour une dépravation bien terre-à-terre, plus grossière que méchante. Dans ce domaine le tapage sexuel du crapaud femelle déguisé en logeuse est un climax. Il y a un côté Broken Flowers gueux, anti-romantique et plus explicitement papy Pusher. Ce Bad Boy Bubby allégé est parfois un peu trop soucieux de ses effets mais sans sortir de la rémission cynique et nonchalante d'Ulrik. La lenteur pourrait accabler dans les débuts mais rend solidaire du protagoniste.


https://zogarok.wordpress.com/2017/03/03/un-chic-type-en-ganske-snill-man-2010/

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le 20 févr. 2017

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