Un été à La Goulette est le premier film tunisien qu’il m’a été donné de voir. Bon, ça ne date pas d’aujourd’hui puisque que ça remonte à mes années collège, lors d’un petit festival à Rochefort sur je ne sais plus quel thème. Mais ce film m’a beaucoup marqué et m’a laissé une impression durable. Ce que j’ai vu dans ce film est sans doute une des raisons qui m’ont amenées à venir travailler en Tunisie, et une des seules choses que je connaissais du pays avant d’arriver.

Un été à La Goulette est donc l’histoire, filmée en 1996 de la Tunisie de 1966, au nord de Tunis au bord de l’eau, à l’époque où cohabitaient pacifiquement les communautés juives, musulmanes et catholiques. C’est justement dans un même immeuble que trois meilleurs amis de chaque confession élèvent leurs trois belles adolescentes de filles. Ces dernières décident un jour de perdre leur virginité le 15 août, avec un jeune homme d’une nationalité différente.

L’idée de base est sympathique, et le film, ouvertement nostalgique, dépeint avec bonheur une communauté vivant ouverte et insouciante au jour le jour. Le film aurait pu être explosif de part les sujets abordés (il y a fort à parier que 20 ans après, ce film n’arriverait pas à voir le jour en France sans déclencher des cris outrés de la part des portes paroles de chaque religion ). Le bel été tunisien du film est donc rythmé par les célébrations religieuses, les apparitions de Claudia Cardinale, les disputes, réconciliations et entraides entre amis, et par l’acceptation de tout ce qui fait qu’on est différent tout en étant semblable à son voisin.

Toute la tension du film est articulée autour du propriétaire de l’immeuble, le Hadj Beji, censé être vénérable parmi les vénérables puisqu’il a fait le pèlerinage à La Mecque. Le triste personnage n’est en fait qu’un homme qui derrière sa ferveur et sa rigueur moralisatrice est fasciné et mis mal à l’aise par la liberté des jeunes filles, notamment Miriem la musulmane. Pour sauver ses parents de leurs dettes, le Hadj insiste pour qu’elle adopte le voile intégral. La bigoterie religieuse du propriétaire représente alors tous les extrémismes religieux : en demandant à dissimuler le corps des jeunes filles, il ne cherche en fait qu’à se la réserver pour lui même.

En fin de compte, on a le droit à une scène fortement symbolique où c’est la beauté de la fille qui terrasse le vieil homme. Au delà du symbole, la morale du film de Ferid Boughedir est surtout ce regard tourné en arrière, à une époque que le plan final annonce comme révolue après la guerre des 6 jours, mais où il était possible de vivre tous ensemble.

Les années passent, et en pensant à ce film, j’y crois encore !
Ytterbium
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le 5 févr. 2015

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