Comment se battre lorsque l'on vit dans un pays où l'on ne peut être "qu'oppresseur ou oppressé" ? Quel "camp" choisir lorsque l'on place comme plus haute valeur l'intégrité ? Comment se défendre quand un état corrompu tente de vous chasser de votre maison ?
Comment se comporter en tant que directrice d'école si le Rectorat vous demande de renvoyer une brillante élève au seul motif qu'elle a révélé appartenir à une autre religion que celle qui est tolérée par l'Etat ?
Comment agir en tant que père et mari lorsque votre femme et votre fils subissent à leur tour le chantage qui s'exerçait à vos dépends ?
Ecouter ceux qui vous conseillent de faire profil bas, d'accepter la loi des corrupteurs ou ceux - à commencer par votre propre femme qui vous exhorte à vous battre et sauver un semblant d'honneur ?
Le problème, et c'est bien ce que montre le réalisateur, c'est qu'aucune de ces solutions ne rend les choses plus faciles. Au contraire même, les excuses engendrent les humiliations et les réactions d'orgueil ou de révolte entrainent des représailles pires encore.
Cette absence d'échappatoire qui s'impose au personnage principal, Reza, un éleveur de poissons d'eau douce qui a le malheur d'être le propriétaire d'un terrain convoité par une compagnie privée, se traduit par un besoin de se purifier, de s'extraire du monde, de se dissoudre. D'où l'importance du thème de l'eau dans ce film.
L'eau des poissons qu'il élève, celle de la grotte où il s'isole (scènes superbes), celle des douches qui reviennent en boucle dans le film.
Autre thème important, celui de la maison. Lieu principal de l'action, elle symbolise cette tentative d'ancrage de cette petite famille dans un milieu hostile - ils sont de Téhéran et ont tenté de s'installer au nord de l'Iran - elle est magnifiquement filmée, de nuit ou de jour et constitue presque en elle-même un personnage du film.
Mohammad Rasoulof, le réalisateur, tant par sa mise en scène que par le simple courage d'avoir réalisé ce film mérite notre plus grande admiration.
Chapeau bas !


Personnages/interprétation : 8/10
Histoire/scénario : 7/10
Réalisation/mise en scène : 9/10


8/10

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le 24 déc. 2017

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Theloma

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