Après son odyssée boursoufflée, Ang Lee revient à ce qu'il sait faire de mieux : mettre en image les dilemmes ordinaires.
Ainsi cette journée, va être pour Billy Lynn, comme un voyage initiatique qui lui ouvrira les portes de la compréhension du monde dans lequel il vit. En un jour, de "porté aux nues cathodiques", ce héros de guerre télévisuel et ses acolytes retrouveront le statut d'invisibles à sacrifier pour une guerre aux raisons inventés.
C'est toute la force d'Ang Lee que de nous plonger au cœur des mensonges sur lesquels s'accroche la société américaine : mensonge pour justifier une guerre, mensonge d'un avenir radieux pour manipuler les héros de retour.
Un mensonge mis en image lors d'un spectacle, summum de vulgarité politique et propagandiste magistralement contrebalancé par la vision des événements qui les ont conduits jusqu'ici. Une scène où l'on ressent pleinement le décalage qui existe entre la perception que les Américains ont de la guerre et le ressenti de ceux qui la font.
Ces héros ne sont plus des soldats mais les éléments d'un vaste plan de communication. L'originalité du propos, c'est que si ce film suit les traces de « né un 4 juillet » quant à la prise de conscience par les héros de la vacuité de cette guerre, ils s'en détournent quant à la conclusion qu'ils en tirent. Et l'on comprend que pour eux tout à coup l'important n'est pas de faire cette guerre pour la gagner mais simplement pour agréger tout un pays autour de l'idée qu'il se fait de lui-même.
D'ailleurs, Vince Diesel, au demeurant surprenant, nous donne une des clefs de ce film avec cette conclusion : nous sommes une nation d'enfants, on va ailleurs pour grandir.
Au-delà de son propos, la distribution du film en France pose quelques questions d'ordre plus philosophique. En effet le film n'y est pas diffusé en 120 images/ secondes tel que filmé par le réalisateur. Cela veut-il dire que le cinéma ne vaut que par son contenu et non son contenant ? Ce ne serait donc pas un art puisque forme et fond y sont intimement liées. Agir ainsi c'est trahir le propos du réalisateur, car nul doute que ce choix n'était pas innocent. Une telle désinvolture ne peut que nous choquer. Mais bon, business as usual ! (ce qui pourrait être aussi la morale de cette histoire.)