Peu de réalisateur sont aussi versatiles que le taïwanais Ang Lee , à la fois auteur et innovateur technique, naviguant les genres et les styles aussi divers que le drame en costumes (Raison et sentiments), le mélodrame gay mâtiné de western (Brokeback Mountain) , le film de super-héros (Hulk) ou le Wu Xian Pan (Tigres et Dragon). Il revient quatre ans après le magnifique conte philosophique Odyssée de Pi qui lui valu l’Oscar du meilleur réalisateur avec un projet risqué un drame sur le retour des soldats des guerres moyen-orientales qui utilise les techniques les plus pointues – tourné en 4k , 3D et avec un ration de 120 images par secondes – pour nous plonger dans la tete de ses protagonistes. Premier projet de Studio 8, la société de l’ancien dirigeant de Warner Jeff Robinov qui fit éclore les carrières des Wachowski ou de Christopher Nolan, le film a connu un cuisant échec public et critique aux USA. Échec qui ajouté au fait de sa technologie est trop avancée pour la plupart des parc de salles lui vaut une sortie limitée à quelque salles en 2D dans nos contrées.Si il est impossible de juger de l’apport de ce technologies au récit il nous reste un film singulier.


Le film est raconté du point de vue de Billy Lynn, jeune soldat de 19 ans -incarné par le débutant Joe Alwyn qui – avec le reste de son escadron – s’est distingué au cours d’une bataille en Irak. Une équipe de télévision parvenant à capturer des images de Billy se portant au secours de son supérieur blessé (Vin Diesel), transforme Lynn et ses camarades en célébrités.L’administration le ramène ainsi que ses camarades de l’escadron Bravo pour une tournée médiatique culminant par leur participation au coté du groupe Destiny’s Child à la mi-temps d’un match de football américain le jour de Thanksgiving. Le film révèle grâce à des flash-backs ce qui est vraiment arrivé à l’équipe, les conditions de son retour – offrant un contraste entre les réalités du conflit en Irak avec la perception qu’en à l’Amérique.


Le film évoque le cinéma des années 70 en particulier les œuvres comme Le Retour de Hal Ashby sur le retour au pays des combattants du Viet-Nam. Lee montre un traumatisme différent de celui des vétérans du Viet-Nam, la ou ils furent accueilli dans une société divisée par le conflit et les cris de haine des opposants à la guerre, ils sont ici accueilli dans une Amérique indifférente pour qui ces guerres lointaines sont noyées dans le flot des distractions. Là ou les jeunes appelés du Viet-Nam étaient arrachés à leur famille, ceux d’Irak issus de milieu pauvres sans autre avenir que des petits boulots dans des fast-food trouvent dans la guerre leur seule raison de vivre.Dans ses flashbacks, Un jour dans la vie de Billy Lynn montre la confusion morale des soldats dans une situation sans issue ou leurs actions en créant plus de victimes créent plus d’ennemis.D’une certaine manière Le film est une réplique parfaite au révisionnisme d’ American Sniper et sans doute le succès du film d’Eastwood annonçait l’échec commercial du Ang Lee.


Billy Lynn et ses camarades sont devenus étrangers à cette Amérique qui devrait être leur paradis, ce pays ou ils se retrouvent assaillis de questions incongrues ou de félicitations pour leur participation à une guerre dont la réalité échappent à beaucoup.Le taïwanais Ang Lee qui a passé la moitié de sa carrière à observer à la manière d’un anthropologue la société américaine dépeint ce match de football comme un tableau de Bosch, zoomant sur les gros ventres des spectateurs, les mains crispées sur leurs frites et leurs bières. Il déniche l’absurde quand le stade est prié de saluer ses héros mais avant qu’ils ne s’assoient, les écrans du stade sont déjà passés à une publicité pour les troubles de l’érection. Les applaudissements ne leur appartient pas ils sont devenus une fiction, marchant consciencieusement derrière des pop-stars. .A l’apogée du show , Billy est paralysé sous le choc assailli par les lumières, bombardé par la musique, le mouvement des danseurs , le cuivres des fanfares et les hurlements de la foule. Le film reflète bien le chaos intérieur des hommes et des femmes confrontés à ce bruit permanent qui paradoxalement contraste avec une guerre que Ang Lee montre calme et silencieuse entre deux explosions de violence.


Un jour dans la vie de Billy Lynn est un film choral porté par un casting impeccable qui gravite autour du jeune Joe Alwyn qui se révèle très bon, malgré son physique carré il parait vulnérable, il apporte une vraie complexité et une mélancolie à ce personnage qui semble parfois être absent de sa propre vie. A ses cotés l’autre révélation du film est Gareth Hedlund charismatique en sergent ,se réserve les meilleures répliques du film. on ressent une vraie camaraderie entre les comédiens incarnant les membres de l’escadron. Vin Diesel prouve dans le role de leur mentor qu’il est un excellent comédien, à la fois soldat et philosophe, donne une dimension chaleureuse à son personnage. Chris Tucker, extrêmement rare sur les écrans en dehors des Rush Hour, compose un consultant qui tente de vendre leur histoire à Hollywood (si il ne peut avoir Matt Damon ou Mark Wahlberg il est prêt à signer avec Hillary Swank) le personnage est drôle mais Tucker n’en fait pas un bouffon. A contre-emploi on retrouve Steve Martin abject en magnat texan de l’immobilier. Kristen Stewart qui incarne la sœur , anti-guerre de Billy marquée par un accident de voiture et tente de le faire quitter l’armée est très émouvante même si j’ai trouvé son jeu un peu trop apprêté.


Un jour dans la vie de Billy Lynn n’est pas exempt de défaut , parfois maladroit, la structure chaotique du scénario de Jean-Christophe Castelli n’est pas des plus fluides, certains dialogues semblent artificiels , certains plans comme celui de Billy pleurant lors de l’hymne national ne se raccordent pas au reste du film. Ang-Lee est à la fois sentimental et cynique si bien qu’on a on a parfois du mal à interpréter les intentions du cinéaste mais peut-être que cette confusion reflète celle de nos sentiments sur ces guerres. La petite musique douce-amère qu’il donne au film, particulièrement émouvante éclipse ses défauts ,aidée par la partition émotionnelle de Mychael Danna.

PatriceSteibel
8
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le 6 févr. 2017

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