Pour Claude Sautet, changement de sujet. Pour Patrick Dewaere et Yves Robert, encocaïnons nous !

Après le tournage de son "Histoire simple" (Romy Schneider reçut le César de la meilleure actrice en 1979), Claude Sautet s'approprie le monde de la classe ouvrière (le prolétariat) après avoir fustigé à tout bout de champ la société bourgeoise ("Les choses de la vie", "César et Rosalie", "Max..."). Il s'acoquine ici de Daniel Biasini (journaliste et Monsieur Romy Schneider à la ville) et de Jean-Paul Török (critique de cinéma) à l'écriture. Scénario : après avoir passé cinq ans de prison aux USA pour trafic de drogue, un homme rentre en France retrouver son père. "Un mauvais fils" (1980), c'est surtout le sentiment de se faire peur et de s'oublier tel un poisson rouge qui fait le tour de son bocal. C'est aussi une mayonnaise qui prend sans que le vinaigre ne soit ajouté. L'on rajoute de l'héroïne, et l'on obtient "Un mauvais fils". Claude Sautet réussit un tour de force en s'attaquant à la fois aux drogués ainsi qu'à la petite classe ouvrière : les démonstrations de Claude sont d'autant plus chers à lui qu'au cinéma en général. Il s'agit bien des "choses de la vie" vues au travers des yeux d'un Patrick Dewaere (révélé par "Les valseuses", Annaud le fera footballeur dans "Coup de tête") complètement habité par son rôle, sans moustache ! Lui aussi dans des déboires peu reluisants (l'affaire avec le journaliste et le boycott de quasiment tous les journaux), il campe ici l'écorché vif de passage dans la capitale. Dewaere ne joue pas, il est Patrick, l'impulsif, l'éternel ange au regard bleu. Une interprétation subtile, sans fioriture, et montrant par la même occasion son grand talent d'acteur. Du très joli boulot en somme ! La relation père-fils est diablement bien maîtrisé, et toutes les nuances de ton se lisent sur le visage de Dewaere qui livre ici une interprétation hors-norme. Le père est joué par Yves Robert (le réalisateur de "La guerre des boutons" et "Nous irons tous au paradis"), charismatique, tenant fichtrement bien tête à Patrick. Convaincant, il est le filon auquel l'histoire s'accroche. Bravo Yves ! Un duo Dewaere-Robert marquant pour une belle leçon de cinéma. Super !! A leurs côtés, Brigitte Fossey (elle prit le temps de s'ancrer dans son personnage de toxico. On la retrouve la même année dans "La boum") et Jacques Dufilho (qui reçut le César du meilleur second rôle pour son interprétation) complètent le tableau pour notre plus grand plaisir, car cette table à quatre (Dewaere, Robert, Fossey et Dufilho) permettent à Claude Sautet d'avancer dans son film comme la mayonnaise se mélange (voir mon commentaire ci-dessus). Ajoutons là-dessus les partitions requinquantes de Philippe Sarde (à l'instar de Dewaere plongeant dans la Manche), et nous pouvons aborder ce Claude Sautet comme un instant de vie tel un claquement de doigts. Pour finir, le réalisateur de "Vincent, François, Paul et les autres" cisèle "Un mauvais fils" comme la perte d'une société (les Trente Glorieuses sont terminées) et le renouveau d'une génération, Dewaere l'incarnant à merveille. Pas le meilleur Sautet, mais l'un des meilleurs Dewaere, assurément ! Spectateurs, encocaïnez vous !!

brunodinah
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le 14 mai 2019

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