Un égarement... dans lequel nous nous retrouvons un peu tous

Agréable surprise diffusée à la télé, en un triste dimanche soir de décembre !
Même s'il est déjà sorti depuis deux ans, je n'avais jamais entendu parler de ce film. Les simples présences de Vincent Cassel et François Cluzet ont suffit à attirer mon attention, même si j'ai vite compris qu'il ne fallait pas s'attendre à un film comme Intouchables.


N'ayant pas vu l’œuvre première du nom, qui date des années '70 me semble-t-il, je n'ai pas de sérieux élément de comparaison à ma disposition. Cette critique se concentrera donc sur ce "remake" de 2015. Faut-il vraiment préciser que cet avis est purement subjectif, et qu'il ne prétend donc pas incarner une vérité absolument indéniable ?


D'une part, l'intrigue est originale. Deux vieux potes d'enfance, devenus adultes trop vite à leur goût, chacun en difficulté affective à sa manière, partent en vacances sur l'Île de Beauté pour passer un agréable moment. Cela tombe plutôt bien, puisque leurs filles respectives, l'une majeure et l'autre sur le point de le devenir, s'entendent elles aussi comme des sœurs. Tout s'annonce pour le meilleur du mieux : activités de plein air, fêtes nocturnes endiablées (avec ou sans autorisation des vieux), bronzette sur la plage, Soleil et piscine salée géante. Un beau moment d'évasion, pensons-nous alors, à ce stade du long métrage ! Mais le titre du film va rapidement prendre tout son sens...


Louna est bien évidemment le protagoniste de toutes les attentions, du début à la fin. Jeune, belle, sexy, amusée, dynamique, fraîche et piquante comme une rose récemment éclose, elle a de quoi motiver les jeunes broutards animés par leurs hormones qui, en pleine saison estivale, cherchent à satisfaire leurs pulsions. Pourtant, tout ne va pas se dérouler exactement comme prévu...
Louna n'est pas intéressée par les jeunes hommes de son âge, mais jette plutôt son dévolu sur Laurent, le père de sa meilleure amie et lui-même meilleur ami de son propre père. Vous suivez ? Ce n'est pas quelque chose de considéré comme étant tabou dans nos mentalités modernes, et je préfère d'ailleurs ne pas expliciter mon avis, très tranché, sur la question. Tout de même, cela suscite l'interrogation.
Effectivement, Louna trouve en Laurent tout ce qu'il manque aux bestiaux lycéens français par excellence du XXIème siècle.
Il l'écoute, alors qu'elle subit de plein fouet le conflit de séparation entre son père, Antoine, et sa mère (au passage, reconnaissons que c'est un phénomène de plus en plus courant de notre triste époque...).
Il la fait rire, incarnant la jovialité qu'elle voudrait désespérément trouver chez son père, morne et raisonnable.
Il est bien conservé, avec en plus son regard magnétique et bienveillant.
Il se sent jeune, même s'il a physiquement conscience de son âge.
Aussi, que demander de plus ? Cette évidence apparait à Louna comme de plus en plus inévitable, alors pourquoi ne pas poser carte sur table ?
C'est autour de cet amour impossible que tourne le film, dans lequel bon nombre de personnes peuvent sans aucun doute se reconnaître. Après avoir obtenu ce qu'elle voulait une première fois, l'alcool aidant les hommes chagrinés de leurs femmes, Louna se retrouve confrontée au refus systématique de Laurent, comme si tout cela n'était qu'une grossière erreur. De quoi briser un cœur si passionnément attaché, direz-vous ? Certes, mais autant en jouer, quitte à pleurer un peu.
A travers Louna, Un moment d'égarement évoque certains sujets intéressants, surtout de la part d'une comédie française. Les jeunes hyper connectés, en quête de sensations et d'expériences, inconscients, fuyant certaines responsabilités, totalement extérieurs aux traditions ne sont-ils pas un objet d'actualité ? Nous ne sommes plus en 1977, en effet.


Laurent est, sans surprise, l'autre personnage phare. Cinquantenaire abouti, mari séparé, père attendrissant... il n'aurait jamais cru s'embarquer dans un tel imbroglio. Il a suffit d'une soirée un peu trop arrosée, en l'absence de son meilleur pote d'enfance qui a toute confiance en lui, pour qu'il commette l'irréparable avec la petite jeune sur laquelle il était censé veiller. De la chair fraîche, directe et charnelle... voilà de quoi lui changer les idées, en oubliant, le temps d'un moment d'égarement, ses échecs sentimentaux.
L'alcool distillé, le respectable copain revient à lui, et prend alors conscience de son erreur. Mais comment faire ?! Comment cacher cet imprévu aux yeux d'Antoine, son ami qu'il connait depuis si longtemps ? Comment raisonner cette jeune muse, qui ne se préoccupe que de leur prochaine partie de jambes en l'air, ne voyant pas le mal dans leur différence d'âge ? Comment expliquer à sa propre fille, Marie, que ce n'était qu'un accident, qu'il n'est pas un opportuniste enfoiré ? Le film montre clairement qu'il est avant tout une comédie à travers les péripéties qui suivront. Pourtant, dans l'impasse, Laurent devra faire face à la réalité, admettre qu'il a malgré tout prit son pied, et expliquer tout cela à Antoine.
Quelle situation embarrassante, pour un homme de cet âge-là ! Cela pourrait arriver à n'importe qui, mais pourquoi lui ?! Le spectateur est ainsi amené à se mettre à la place du pauvre innocent, coupable malgré lui, qui cherche à éviter le pire, même s'il sait pertinemment que ce n'est pas la bonne solution.


Marie, la fille de Laurent, meilleure amie de Louna, assiste à tout cela, impuissante. Même si elle a, de son côté, préféré se jeter dans l'ivre jeunesse des fêtes électro et arrosées, elle comprend vite que Louna ne tourne pas du tout autour du même garçon qu'elle. Connaissant son père aussi bien que sa copine, Marie ne tarde pas à comprendre ce qui se trame entre eux. Jugeant en conséquence le premier comme un pervers satisfait et l'autre comme une vulgaire pouffiasse inconsciente, elle souffre en silence de la situation, perdant son père aussi bien que sa meilleure amie, dégoûtée d'eux. Pire encore, la bêtise et la futilité affolantes d'Antoine, qui est le seul des quatre à ne rien savoir jusqu'au dénouement, sont ce qui l'exaspère le plus. Marie se démontre au final touchante, car prête à se réconcilier avec Louna, malgré les circonstances, tant elle l'apprécie comme amie. Elle est un peu le personnage omniscient de l'histoire, antagoniste de l'aveugle Antoine.


Parlons de lui, justement. Aigri, pas très drôle, excessivement protecteur envers sa fille, Antoine est l'incarnation vivante du papounet rabougri. Sa confiance envers son ami Laurent est totale, inconditionnelle. Il ne se doute de rien, jusqu'à temps que sa fille, qui se montre soudain très malheureuse au milieu de ces vacances idylliques, ne lui avoue la cause de ses tracas, sans pour autant révéler l'identité du salaud l'ayant touchée. On observe alors un Cluzet paranoïaque, presque cinglé, qui n'hésite pas à flinguer tout ce qui bouge, que ce soit les sangliers aussi bien que le chien de son rustique voisin, et à s'en prendre au moindre suspect qu'il identifie, en quête de l'ordure ayant profité de sa pauvre petit fille (une pensée au DJ, qui préfère pourtant les garçons...). Je n'avais encore jamais vu cet acteur dans une configuration pareille, et ça m'a vraiment surpris, même si j'ai pu lire qu'il avait déjà interprété un rôle semblable dans d'autres films. Il finira malgré tout par retrouver le vrai coupable, à sa plus grande stupéfaction. Une amitié comme la leur, si longuement acquise, peut-elle y résister ?


Un moment d'égarement restera dans mon esprit comme une belle comédie, à des moments tragique, dramatique amour impossible et inavouable (et heureusement). Les détracteurs mettront en avant l'aspect trop redondant, trop immature, trop "wesh", sans doute parce qu'ils ne regardent pas assez les lycées d'aujourd'hui.
Je mettrais en avant la superbe (et délicieuse) révélation qu'est Lola Le Lann, le Cassel qui démontre toujours aussi bien qu'il sait jouer n'importe quel type de rôle, Alice Isaaz qui semble chercher les ficelles de ce cirque, ainsi que la trame prenante et touchante, qui nous laisse cependant sur notre faim.

_Bisou-Culte-97_
7

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Créée

le 15 déc. 2017

Critique lue 219 fois

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