Lorsque le mouvement des Gilets Jaunes est apparu, a grossi, pris de l'ampleur, que des figures se sont décantée, puis qu'ils manifestaient sur les Champs Elysées. Je travaillais beaucoup, partait tôt, rentrait tard. Je devais passer par les Champs Elysées pour aller travailler et pour rentrer chez moi. Le samedi matin, très tôt, je voyais des personnes s'approcher, s'infiltrer, près des Champs Elysées, car des mesures étaient mises en place, les policiers bouclaient tout le secteur de l'Arc de Triomphe et des Champs Elysées. Ils me faisaient penser à des Maquisards. La journée, comme tout le monde, j'assistais à des scènes de chaos et d'affrontements par le prisme de mon écran de téléphone. Lorsque je rentrais, j'assistais au spectacle de la destruction. Des barrières, des pavés arrachés, des véhicules brulés, qui jonchaient ça et là, la route. Autant d'obstacles, que je devais éviter pour rentrer chez moi, le matin c'était la police, le soir c'était ça. Le résultat des affrontements Gilets Jaunes / Policiers.
"Qui sont ces gens ?", "Que veulent-ils ?", je ne comprenais pas. Je voyais des forces s'opposer : L'Etat (représenté par les Forces de l'Ordre)/ Le Peuple (représenté par les Gilets Jaunes); Une Technocratie/Une volonté de Démocratie; l'information des plateaux télé/l'information des réseaux sociaux; Paris/Le reste de la France.
Lorsque les affrontements de la rue cessaient, ils reprenaient sur les plateaux de télévision et sur les réseaux sociaux. Petit à petit on parlait "du mouvement des Gilets Jaunes", "des Gilets Jaunes", puis avec le temps et l'habitude, que toute les semaines des affrontements aient lieu. Ce mouvement devenait un tout anonyme pour moi. Les présentateurs présents sur les plateaux de chaines de télévisions, commentaient, critiquaient, condamnaient et parfois insultaient. Si bien, que lorsque des scènes de violences ou de bavures policières apparaissaient sur mon écran de téléphone. Cela ne m'atteignait plus. J'étais inondé de ces images, qui s'apparentaient plus à de la pornographie. Cette période ressemblait à un maelstrom où son paroxysme fût atteint lorsque l'Arc de Triomphe fût saccagé. Tout le monde y perdait, les restaurateurs, qui n'avaient rien demandé. La personne avait garé sa voiture au mauvais endroit, les policiers, l'Etat.
Le temps passa, la mémoire effaça.


Puis le film de David Dufresne est sorti. Je suis allé le voir hier au cinéma Médicis. J'y étais allé avec un certain apriori. Celui, que ce film allait être larmoyant et très orienté.
Et ce fût tout le contraire. Le film, que j'ai vu, qui dure 86min et qui est d'ailleurs plus un documentaire qu'un film. Je ne connais pas la chronologie des faits, ni les lieux.


Le film commence et se termine sur deux mutilations. Un Gilet Jaune qui perd un œil et un second qui permet sa main.


Le film utilise essentiellement des images amateures tournées par des riverains ou des manifestants. Tout un travail a été fait sur l'image et le son. Afin que ces vidéos soient mieux adaptées à une utilisation cinématographique. Nous retrouvons aussi des images de journalistes, qui sont plus qualitatives, mais ne représentent que très peu d'images sur l'ensemble de celles utilisées sur l'intégralité du film. Le film retrace les manifestations, qui ont secoué le pays dans différentes villes de France. Mais le sujet du documentaire est : les violences policières.


Si vous vous posez la question qui est de savoir, si ce documentaire est politique ou pas. Il l'est, mais pas de la politique, que nous avons l'habitude de voir à la télévision, dans les journaux et sur les réseaux sociaux. Ce documentaire sort du clivage habituel (gauche/droite). Pour s'interroger sur l'état de la France, qui se revendique pays des Droits de l'Homme. Mais aussi s'interroger sur l'état Démocratique de la France.
Même si le documentaire sort du clivage gauche/droite habituel. Il n'en reste pas moins clivant, de par la nature du sujet qu'il traite. L'intelligence du réalisateur fût donc d'intégrer des apartés par l'intermédiaire de différents intervenants. Ces intervenants viennent d'horizons assez larges. Il y a des sociologues, des historiens, des membres de syndicats de police ou des Gilets Jaunes présents, qui ont vécu la violence de l'Etat.
Même si les intervenants permettent d'apporter une réflexion et que certains débâtent face aux images qui leurs sont soumises. Je pense, que le réalisateur pourra être critiqué par une partie des spectateurs, qui verront dans ces interventions un certain voyeurisme.
Car certains Gilets Jaunes, qui ont été mutilés. Se retrouvent face aux images d'eux-mêmes, hurlant et se tordant de douleur. On peut facilement imaginer la douleur, que peuvent leur procurer la vision de ces images, qui les mettent en scène. Mais le spectateur n'est pas non plus épargné. Pour peu que l'on soit un minimum empathique, ces images deviennent vites inconfortables.


Mais cet inconfort est nécessaire. Car il permet de voir la détresse de certaines personnes. Et pourquoi pas comprendre ces personnes sont descendues dans la rue. Car je ne vais pas me mentir, ni mentir à ceux qui liront ce texte. Je n'ai pas à me plaindre. J'ai grandi en Seine et Marne, je n'ai jamais eu de problème avec la police et désormais, je vis dans l'ouest parisien. J'en sors très peu et quitte encore moins Paris. Rien est acquis et le confort d'aujourd'hui deviendra peut-être l'inconfort de demain. Et la plus grande baffe, que ce documentaire m'a infligé. Fût l'intervention d'une femme, qui vit dans les quartiers nord d'Amiens. J'ai toujours voulu quitter ma Seine et Marne natale et j'en parle parfois avec un certain mépris qui devait me faire avoir honte. Or cette femme, parle de son quartier, l'aime et ne se voit pas le quitter. Car elle y est bien tout simplement. Mais elle n'occulte pas toutes les difficultés, que peuvent rencontrer ses habitants au quotidien. Cette femme parle d'Amiens. Et je me suis demandé, depuis combien de temps, je n'ai pas entendu parler d'Amiens et par extension de la "Province", comme on l'aime l'appeler Alors qu'elle représente la plus grande partie de la France. Que les grandes métropoles telles que Paris n'en représentent qu'une infime partie. Paris n'est pas la France. Et écouter cette femme s'exprimer a eu plus d'impact, que n'importe quelle autre image choc que présente ce documentaire. Je pense vraiment que ce film est important, car la puissance du cinéma est qu'il permet de donner une autre dimension aux images, aux propos et donc aux personnes. La détresse sociale des personnes, la crise politique et sociale dans laquelle se trouve le pays sont mis en exergue.


Ce documentaire est très réussi et j'espère qu'il trouvera un succès commercial. Car le problème de ce genre de film. C'est qu'il risque de prêcher des convertis. Or le but est vraiment, que le maximum de personnes puissent le voir et se fassent leur propre opinion.
Crise sanitaire oblige, le film risque de faire les frais d'une baisse de fréquentation des cinémas. J'espère que ce film sorte sur des plateformes de streaming comme Netflix, afin qu'un maximum de personnes puissent y accéder.


Pour conclure, je pense que le réalisateur du film a réussi son documentaire. Le parti pris d'être en retrait, de laisser les images et les intervenants s'exprimer est très pertinent. Cependant, je m'interroge. Je m'interroge sur l'après, que ce passera t'il après ? Car tout aussi réussi, que soit ce film. J'ai vraiment l'impression qu'il y a une cassure. La France est fragmentée. Elle me donne l'impression de ne pas réussir à réunir ses citoyens dans un socle commun, celui de la République. Le dialogue semble rompu. Je ne ferai pas de procès d'intention à aucune des parties. Mais j'ai cette impression, que l'on se referme sur nous-même. Nous devenons manichéens, le bien, le mal, qui prend différentes formes selon qu'on soit celui qui tient la matraque et celui qui se prend le coup de matraque. Et ceci est dommage et préjudiciable, car on semble tout maintenir un statu quo où d'aucun ne semble faire place à la nuance ou se mettre dans la peau de l'autre. Car lors d'échanges durant le film, nous pouvons voir qu'à certains moments, nous devenons hermétiques aux arguments de l'opposition et les réactions de certains spectateur s'en font la preuve. Je pense que nous devons plus nous tourner vers l'humain, celui qui est sous ce gilet jaune ou celui qui est sous ce casque et ce bouclier. Je pense que c'est ce que ce film a essayé de faire à son échelle.

GregDwg
7
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le 1 oct. 2020

Critique lue 174 fois

GregDwg

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