Un good german
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le 17 oct. 2015
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Prenez African Queen. Remplacez Bogart par Lino Ventura, Aznavour et deux autres gugusses à trogne et Katherine Hepburn par un Allemand à la fois rigoureux et ironique. Enfin, remplacez le fleuve par le désert de Libye pendant l'offensive d'El Alamein. Avec des dialogues "qualité française". Tu vois le topo mon gars ?
Ce film en noir et blanc commence comme un film de guerre, se poursuit en comédie à la African Queen avec un rythme soutenu, quoique décontracté, et se finit en brûlot antimilitariste. Que demande le peuple ?
4 Français ont laissé pour mort leur officier après avoir mené un raid sur la base de Tobrouk. Il y a le brigadier Dudu, un ancien boxeur vache au grand coeur (Lino, qui d'autre ?) ; un Juif alsacien médecin, Samuel Goldmann (Aznavour) ; une tête chaude, Ramirez ; un radio intellectuel de bonne famille, Gensac (M. Biraud). Ils doivent revenir à leur base à 700 km de là, mais Ramirez tire sur un avion allemand qui détruit leur jeep. A pied, ils surprennent 4 Allemands en bivouac et les liquident pour prendre leur jeep, mais ils font prisonnier leur officier, Ludwig, qui s'était caché.
Commence un voyage où ces gens que tout sépare se rapprochent au gré des péripéties : des sables mous ; une tentative de se fondre dans un convoi allemand à Siwa pour gratter de l'eau et de l'essence ni-vu-ni-connu-cht'embrouille ; un bombardement nocturne par les forces alliées ; une tentative de Ludwig de prendre le contrôle, profitant de la naïveté de ses gardiens (mais ils se relaient jusqu'à ce qu'il tombe de sommeil) ; un champ de mines. Enfin, parvenus en vue de la base, nos amis s'arrêtent philosopher. Dudu, attendri, ne verrait pas d'inconvénient à laisser Ludwig s'enfuir "par mégarde". Pendant qu'ils tergiversent, un blindé allié tire sur la jeep, tuant tout le monde sauf Dudu. On voit ce dernier assister au défilé des chars à la Libération, le regard perdu. La guerre, c'est quand même foutrement con.
L'odyssée en plein désert est sans doute un genre en soi, un genre que je préfère éminemment au film de guerre, et tant mieux si ce film nous incite à vouloir que ses protagonistes reviennent vivants de ce duel avec la soif plutôt que de les voir buter du Fritz.
Ils en butent pourtant, du chleu, et ça n'a rien de glorieux. Ils tirent sur un campement de quatre pauvres fridolins qui écoutaient de la musique tranquillou (l'un d'eux s'absente même pisser face à l'immensité du désert), tout ça juste pour avoir une jeep. Tout le film a cette teinture humaniste suffisamment maline pour ne pas être trop dégoulinante, et le film, même dans les moments de tension, a une atmosphère plutôt décontractée. Quand Ludwig met en joue ses anciens gardiens, ils restent tous comme deux ronds de flan, l'air couillon ("Ha on est beaux, tiens"), avant de jouer la montre pour reprendre l'ascendant pendant son sommeil. Celui qui se fait avoir le fait toujours avec un sourire en coin, et l'on se prend à discuter, à se titiller, se chamailler, essayer d'en remontrer à l'autre. J'aime beaucoup la scène où l'on voit Ludwig assis dans la voiture au premier plan, et les quatre autres assis, essayant d'oublier leur soif, mais refusant catégoriquement de dégager la jeep pour leur geôlier. La scène où ils se font passer pour des Allemands et carottent du carburant est tout simplement hilarante.
En revanche je trouve un peu bizarre l'emploi récurrent, comme thème, de Les anges dans nos campagnes en version choeur de la légion.
Quelques répliques savoureuses :
En France nous les prisonniers on les flingue pas.
- Forcément, on n'en a pas tellement hein"
A quoi ça sert d'être Juif si ton grand-père n'est pas banquier ?
En langage clinique on appelle ça un paranoïaque. En langage
militaire, un brigadier.
Beau film, qui sait aborder sur un ton léger un sujet grave et évite de sauter sur la mine du militarisme.
Créée
le 20 mars 2016
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