Mercredi 3 juin 2020. Thierry Frémaux, délégué Général du festival de Cannes annonce la liste des films en sélection officielle, qui se voient labellisés « Cannes 2020 ». Chaque année, je suis avec impatience la conférence de presse qui nous dévoile souvent des films parmi les plus attendus, et parfois parmi les plus réussis de l’année. Dans ce nouveau cru, parmi les français, figure Un Triomphe, le nouveau film d’Emmanuel Courcol, dont j’avais vraiment apprécié le précédent et premier film, Cessez-le-feu, en 2017.
Mais il y a un hic : Kad Merad dans le rôle-titre.
J’avoue. Je déteste viscéralement Kad Merad.
D’une part parce que je le trouve piètre acteur, que ce soit dans ces films (Une belle équipe, Just a Gigolo, Le doudou, pour ne citer que ses derniers) qui me semble au mieux passables, au pire vraiment médiocres ; mais également dans toutes ses apparitions publiques, et en premier lieu sa prestation aux César 2019 (sa manière de remettre le César du public aux Tuche 3 a fait mourir de honte ma cinéphilie).
D’autre part parce que j’ai eu l’honneur et le malheur de côtoyer le bonhomme il y a quelques années lors d’un grand événement, et son attitude déplacée et irrespectueuse m’avait mis très en colère (restons poli).
Bref, chaque fois que je vois Kad Merad, je suis énervé et j’ai des boutons.
Par ailleurs, il se trouve qu’un autre film sur le théâtre en milieu carcéral fait partie de mon Top de mes films préférés. Il s’agit du trop méconnu chef d’œuvre des frères Taviani, César doit mourir [Ours d’Or à Berlin en 2012, et à voir de toute urgence si cela ne vous dit rien !]. Avec un pitch quasi-semblable, Un Triomphe allait forcément souffrir de la comparaison.
J’attendais donc Un Triomphe avec un mélange d’attente enfantine, et d’une crainte inévitable.
Et globalement, j’ai été agréablement surpris. Kad Merad incarne son personnage d’Etienne de manière acceptable (traduisez : il est plutôt bon), et la mise en scène, sans être révolutionnaire, traduit bien l’austérité du milieu carcéral. En un mot, on y croit.
Côté pitch, nous avons Etienne, un acteur intermittent en galère financière qui accepte à reculons d’animer un atelier théâtre en prison. Très vite, il découvre parmi les détenus volontaires un certain don pour amuser la galerie et se donner en spectacle. Tandis qu’eux ne rêvent que de stand up, lui n’a qu’une obsession, monter avec eux une « vraie » pièce et les faire jouer dans un « vrai » théâtre.
Et pas n’importe quelle pièce : En attendant Godot, de Beckett, une œuvre qui résonne différemment pour des détenus enfermés pour longtemps et ayant perdu tout but à leur vie.
A la première moitié plutôt glauque, en milieu carcéral, succède bientôt une lueur d’espoir et le film se transforme sous nos yeux en ce qu’on pourrait qualifier de Feel Good Movie.
Sans dévoiler le nœud de l’intrigue, Un Triomphe adapte avec finesse un fait divers qui s’est réellement déroulé dans les années 1980 en Suède.
Ça sonne juste et on passe finalement un vrai bon moment de cinéma. Un moment comme on en a malheureusement peu ces derniers temps.