Les occupations d'une jeunesse désœuvrée constituent le fil rouge de la filmographie de David Robert Mitchell. Après s'être échangé des monstruosités sexuellement transmissibles dans It follows, ils subissent maintenant le joug de l'entertainment dans sa capitale: LA
Sam, jeune homme n'ayant pour meilleure occupation que d'être affalé en calbut dans une chaise longue sur son balcon tout en observant les voisins, finit par trouver un objectif à sa vie lorsque sa jolie voisine disparaît. De ce point de départ, Under the silver lake se construit comme une enquête labyrinthique à travers la ville pour retrouver la disparue. On y croisera complotiste, sociétés secrètes, fêtes en tout genre, magasin de comics et tueur de chien, soit un panorama foutraque d'une cité des anges dont le rêve hollywoodien cache quelques secrets moins glamours.
Los Angeles est explorée à la manière d'une carte au trésor avec ses codes à déchiffrer, ses fausses pistes et une géographie improbable. David Robert Mitchell s'amuse à faire courir partout son personnage qui ne cesse de monter et de descendre, de l'observatoire en haut des collines aux souterrains sous la ville, d'une fête dans une cave à une rooftop party au sommet d'un building. Dans ses différents lieux par contre, on croise étonnamment les mêmes personnages improbables et mystérieux, le pote sympa mais dont on ne connait rien, la fille au ballon, le type déguisé en pirate... Qui sont ces gens et quelle est cette sensation que tout est lié ?
D'après un complotiste assez sévèrement attaqué, la réponse est dans les médias de l'entertainment. On nous manipule. Les comics, les chansons pops ou les boites de céréales nous formatent depuis notre enfance. Sam est perplexe, doit-il abandonner son quotidien fait de parties de NES et de branlettes devant playboy ?
L'aspect complotiste de l'intrigue, la géographie de la côte ouest et le défilé de bimbos font évidemment penser à Pynchon, et David Robert Mitchell s'en sort plutôt bien de ce côté là puisqu'il arrive à rendre son film extrêmement ludique grâce à son décorum grandiose et à un rythme énergique qui tient bon sur la longueur. La mise en scène n'atteint pas la maîtrise de celle de l'adaptation d'Inherent vice, mais quelques jeux d’échos entre les scènes me semblent particulièrement réussis.
C'est sur le fond qu'Under the silver lake tient moins la route. La morale finale qui semble nous indiquer que le bonheur est simplement à notre porte et qu'il ne sert à rien de s'engouffrer dans les propositions du mass media rappelle la manière dont Spielberg se tirait une balle dans le pied à la fin de Ready player one en nous invitant indirectement à sortir de notre cinéma pour aller vivre la vraie vie à l’extérieur. Ces deux cinéastes oublient-ils qu'ils font eux même partie du système qu'ils semblent critiquer ? Ca m’étonnerait d'eux, mais leur démarche semble clairement manquer de réflexivité.
Si on oublie un peu l'analyse et qu'on se contente de prendre le film au premier degré comme un jeu de piste récréatif, on prend quand même un sacré pied. David Robert Mitchell confirme aussi qu'il est un réalisateur à suivre dont la trajectoire rappelle furieusement celle de Richard Kelly (It follows / Donnie Darko - Under the silver lake / Southland tales ). Reste à espérer que sa carrière n'explosera pas en vol comme celle de ce dernier.