Under the silver lake a de quoi deconcerter le spectateur. J'etais moi-meme confus en sortant de la salle, je n'aimais pas le film car, betement, je ne savais pas quoi en penser: j'étais perdu. Mais quel film putain !


Le film raconte l'histoire décousue de Sam, un jeune homme trainard et fauché habitant à los Angeles. Un soir, il passe chez sa voisine, Sarah, fille charmante et mysterieuse dont il tombe amoureux. Le lendemain matin, celle ci a disparu laissant son appartement à l'abandon. La caméra du réalisateur suivra par la suite Sam sans jamais le quitter enquêtant et vogant à travers les soirées de Los Angeles pour retrouver Sarah.


Cette oeuvre a pour principal effet sur son spectateur de le dérouter. D'abord, la narration et le rythme créent une ambiance particulière et paradoxalement claustrophobique par rapport ses décors urbains larges et aérés. En effet, le cadre ne laisse pas Sam s'échapper de tout le film, enfermant ainsi le spectateur dans la tête du personnage qu'il met en scène. L'ambiance étant donc mise en abysme du message du film: l'homme perdu et enfermé dans son monde, l'univers. Ensuite, des scènes entières sont faites dans ce but précis en déboussolant, non seulement notre héros mais nous mêmes, spectateurs. Dans la première scène par exemple, lorsque un écureuil semble tomber du ciel, scène sur laquelle pèse un fond sonore angoissant; ou bien la si majestueuse scène du compositeur, qui prend la forme d'un medley/cover au piano, qui trouble celui la visionnant de par son encrage réaliste, (le spectateur reconnaissant forcément les musiques jouées) dans un contexte des plus spéciaux.


Ce film a de multiples degrés de lecture, alors je vais me focaliser sur le sens profond du film en prenant comme exemple une scène édifiante, la scène du bunker secret.


Dans cette scène, l'enquête de Sam l'a mené à l'observatoire de griffith où un étrange personnage s'autoproclamant "Roi des SDF" le mêne dans un bunker en lui bandant les yeux. Celui-ci enferme Sam dans ce bunker, dont Sam devra trouver la sortie. Il y rode, l'explorant, ne trouvant rien d'interessant excepté un tunnel menant à une lumière aveuglante. Sam empruntera ce tunnel pour enfin sortir dans un supermarché.


Cette scène est forte et lourde de sens. J'y vois une métaphore de la vie: enfermé dans ce qu'on croit être le monde, il faut trouver la sortie pour renaître, d'où le plan symbolique où Sam chemine un étroit tunnel menant à la lumière (référençant l'imagerie chrétienne de l'épisode de l'ascension). Et on ne peut la trouver que si on a conscience d'être enfermé (seuls les riches on conscience d'être enfermés ). En plus d'être une métaphore de la vie et du monde, elle donne une vision pessimiste de l'existence où le bonheur et l'espoir n'existent pas. Il n'y a pas de monde meilleur, d'echapatoire à la vie, seulement une désillusion. En effet, quand notre héros arrive vers la lumière il est convaincu d'y trouver les réponses à toutes ses interrogations alors que non, il ne trouve qu'un supermarché. Personne n à raison dans le film. Les personnages et plus généralement les humains sont aveuglés par le qui les lie: le refus de leur triste condition d'homme. Les Riches ayant l'espoir (espoir d'aller vers un monde meilleur) pour la rejeter, le héros et le bas peuple ayant le divertissement, l'art et la consommation. Il faut d'ailleurs admettre une complémentarité entre deux classes opposées, les humains puissants et riches ( les sectaires) et le bas peuple. Les riches contrôlent et créent l'art pour distraire le peuple afin qu'il ne prenne pas conscience de son enfermement, et que par conséquent, il ne veuille pas échapper à sa prison métaphorique. Mais néanmoins le film rappelle l'égalité des hommes qu'ils soient riches ou pauvres, leur condition reste la même, l'espoir restant aussi vain que l'art. De plus, le personnage du roi des SDF rappelle d'autant plus cette égalité en remettant en cause la hiérarchie sociale de par son titre antinomique de Roi et de SDF.


D'autres scènes sont fortes à l'instar de la rencontre avec le compositeur, précédemment évoquée (scène dans laquelle la lumière est magistrale et où on peut admirer les fulgurances de la camera à leur paroxysme (je pense au travelling rotatif faisant référence à une scène de I.A. Intelligence Artificielle) retranscrivant la rage de Sam (camera qui avait jusque là suivi un héros plus calme), notre héros se sentant comme un fan bafoué d'apprendre que ce qu'il a toujours adulé n'est qu'une supercherie avec, comme figure de proue un vieillard cynique), mais la scène du bunker est, je trouve, la clé qui ouvre les portes de ce film, la métaphore autour de laquelle le sens du film s'articule.


Ce film est donc, pour moi une oeuvre singulière, l'expérience que j'ai vécue au cinéma lors du visionnage jouant sur mon appréciation du film. Il ne m'a jamais été donné de voir un film aussi déroutant, un film qui ne me plait que peu en sortant de la salle, et qui devient, au fil de réflexions, une oeuvre marquante pour moi. Il reste à ce jour un des films les plus bizarres que j'ai vu, plus que n'importe quelle oeuvre surréaliste, pour la simple raison que, en plaçant le spectateur dans la même posture que son personnage principal, en perte de repères, "Under the Silver Lake" sème plus de mystère.

martinChe
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Créée

le 13 août 2018

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martinChe

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