Le sort de Marie Latour nous attriste dans la première partie du film : seule avec ses enfants, puis avec son mari, de retour d'Allemagne, qu'elle n'aime pas. Ils vivent dans la pauvreté et elle commence à en avoir marre de ne pas pouvoir réaliser ses rêves et de devoir se cantonner aux fourneaux (dans une France rationnée) et aux tâches ménagères "comme la plupart des femmes", ainsi que le lui fait remarquer son mari. Elle devient avorteuse par hasard et pour rendre service, et si elle est bien contente de recevoir un petit quelque chose en retour, ce n'est pas l'appât du gain qui l'a menée là.


Puis, elle nous agace fortement, Marie Latour. Sa principale motivation n'est plus de libérer ni d'aider les femmes mais de s'enrichir. La légèreté avec laquelle elle se désintéresse de ses enfants et la façon dont elle traite son mari (François Cluzet merveilleux dans ce rôle) nous indigne. L'élan de solidarité face à une femme qui essaie de s'affirmer face à un mari assez indélicat et misogyne s'évanouit complètement lorsqu'elle tombe dans les bras de son amant, collabo et autrement irrespectueux des femmes.


Au bout d'une heure quinze de film, on a finalement envie que le karma s'occupe de son sort, à Marie Latour. La façon dont celui-ci sera réglé renverse totalement nos vélléités vengeresses, il ne reste que la pitié d'une pauvre femme naïve, insouciante, peut-être même "limitée"; et l'indignation face à une justice qui n'en a que le nom et qui est l'avatar d'une société dont le sexisme n'a d'égal que l'hypocrisie.


Le film est engagé, comme en témoigne notamment la discussion, à la fin, entre l'avocat et l'un de ses collègues, et dans cette optique je trouve dommage qu'il se déroule sous le régime de Vichy. Le cadre historique permet de mettre en scène d'autres travers (la dénonciation, la collaboration, etc., et de toute façon l'histoire est inspirée de faits réels), mais le puritanisme revendiqué de cette période a bon dos, le traitement des avorteuses et avortées fut aussi difficile sous d'autres régimes et il est loin d'être simple encore aujourd'hui.

Metallichat
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le 11 mai 2016

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