Sergeï Loznitsa peuple son troisième film de fiction, libre adaptation de La douce de Dostoïevski déjà adaptée par Robert Bresson, d’innombrables larges et longs plans-séquences très composés et baignés de sons directs. Le cinéaste prouve à nouveau son sens aigu du détail dans l’animation des décors et des acteurs dans la profondeur de champ.
Entre corruption, violence, abus de pouvoir, individualisme et machisme, le parcours kafkaïen de cette Femme douce incarnée par Vassilina Makovtseva convainc par sa forme moins par son fond. À l’image d’une héroïne principale mutique et sacrificielle, le film privilégie les monologues au détriment des dialogues et évite toute individualisation psychologique. L’univers faussement naturaliste qui en découle est celui d’une vaste prison tant existentielle qu’identitaire, reflet stéréotypé, voire outrancier, d’une Russie post-soviétique.
La dernière partie du film bascule dans une séquence à l’onirisme Fellinien qui, d’un point de vue esthétique, rompt l'aspect pseudo-documentaire du film. Cet anachronique banquet mondain très XIXe siècle fait défiler devant la caméra les personnages rencontrés par l’héroïne durant son périple. Chacun rivalise de duplicité et de cynisme à l’image d’un film stéréotypé marqué d’un cruel manque de sincérité.