Une plongée en enfer viscérale et radicale mais balisée car prisonnière de genres codifiés.

On n’avait pas entendu parler de Jean-Stéphane Sauvaire depuis son percutant « Johnny Mad Dog », plongée dans la triste réalité des enfants soldats en Afrique. Un sujet inédit et traité frontalement qui avait fait découvrir le cinéaste il y a bientôt dix ans. Le revoilà avec une immersion toute aussi viscérale et radicale dans l’enfer des prisons thaïlandaises. Cependant, « Une prière avant l’aube » n’a pas la chance de naviguer dans les eaux d’un postulat inédit. Bien au contraire, ce long-métrage présenté à Cannes hors compétition est à la croisée de deux sous-genres du septième art que sont le film de prison et le film de boxe. Et même s’il fait entendre sa propre voix par un traitement volontairement jusqu’au-boutiste, il ne parvient pas vraiment à les transcender. L’un comme l’autre sont tellement balisés et codifiés que « Une prière avant l’aube » se retrouve aussi emprisonné que l’est son personnage principal.


On a donc droit à une immersion complète dans le cauchemar de l’univers carcéral asiatique type « Midnight Express », auquel il sera irrémédiablement comparé. Le fait que ce soit inspiré d’une histoire vraie ne change rien à cette persistante impression de déjà-vu. On a l’impression que la trame du film est déjà connue à l’avance et il coche effectivement tous les passages obligés, du viol au harcèlement en passant par les trafics en tous genres et la drogue. Il est vrai que le traitement ultra réaliste et une violence qui ne se cache pas donnent à « Une prière avant l’aube » un côté extrême mais qu’on a déjà pu voir ailleurs, que ce soit dans « Dogpound » de Kim Shapiron ou le suédois « R » pour ce qui est des œuvres plutôt récentes. Cette façon de filmer sans concession et ce choix de tout montrer est une gageure il faut l’avouer ; on ne peut pas dire non plus que les images soient exagérées ou se vautrent dans le glauque et le putride. Mais cette façon de procéder apparaît désormais comme obligatoire pour tout film de prison qui se veut réaliste. Quant à la partie boxe, plus en retrait, on a déjà vu bien mieux (le chef-d’œuvre « Warrior » pour n’en citer qu’un).


On peut noter que le choix de ne pas traduire les paroles en thaïlandais pour nous mettre dans la peau de Billy est intéressante. Cela renforce la perte de repères du spectateur, même si parfois on est tout de même un peu perdu dans l’expression des volontés et motivations des autres prisonniers. En revanche, de nous plonger presque instantanément dans le monde carcéral sans connaître le personnage principal, que ce soit son passé ou sa psychologie, est dommageable car l’empathie que l’on devrait ressentir pour lui s’en trouve considérablement réduite. Certaines scènes choc ont la force d’uppercuts en plein visage, on est dans le réalisme le plus poussé et on s’imprègne de l’enfer de ces prisons devenues des coupe-gorges. Néanmoins, sur deux heures, il n’y a rien de bien neuf dans le propos que ce soit à l’image ou dans ce qui est dit. Et la rédemption finale et moralisatrice n’arrange rien. C’est dur, c’est parfois insoutenable, c’est maîtrisé mais c’est surtout beaucoup trop prévisible.


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JorikVesperhaven
5

Créée

le 20 juin 2018

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Rémy Fiers

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