Du pur Malick où le propos s’éternise interminablement mais où les images confinent au sublime.

Ahhh Terrence Malick, un cinéaste tellement inclassable. De ceux dont le nom devient même un adjectif tellement leur style est unique et reconnaissable entre tous, à l’instar d’un Tarantino, d’un Lynch ou d’un Scorsese. Avec son nouveau film présenté en compétition au Festival de Cannes l’an passé, il livre un film à la croisée des deux voies empruntées par son œuvre. C’est-à-dire avec un retour à une chronologie et narration plus limpides comme dans ses premiers (et très anciens films, de « La Balade sauvage » à « Un nouveau monde »). Mais, en même temps, pas forcément accessible à tous car toujours aussi porté sur une narration en voix off monocorde, sur une durée clairement excessive et sur des envolées lyriques et théologiques quelque peu absconses. Mais on est tout de même heureux de retrouver ce cinéaste dans une veine moins proche de l’essai théorique et plus en phase avec ce qu’on appelle communément le septième Art. Car, avec des œuvres comme « A la merveille » ou « Knights of Cup », il avait perdu beaucoup de monde en route. Ici l’excellence côtoie le profondément pesant, la première se révélant sur le côté visuel et le second davantage sur le fond.


Sur le bon versant, applaudissons encore la magnificence de la mise en scène de Malick. Même si certains crieront à un film musée sur Mère Nature bloqué dans le passé, rares sont les cinéastes capables de nous émerveiller autant que lui. Chaque plan est une véritable peinture apposée sur la toile d’écran, un sublime tableau bucolique sur les merveilles que nous offre la campagne autrichienne. D’ailleurs, celle-ci n’a certainement jamais été mieux filmée que par ce réalisateur. Il la sublime, dans sa beauté la plus tellurique et profonde. Certes, les paysages et scènes choisies le sont avec soin, mais sa caméra rend l’image belle au-delà de toute espérance. Clairement, sur la forme « Une vie cachée » est proche du chef-d’œuvre pictural. C’est admirable à en pleurer et la musique qui accompagne les plans du cinéaste les rend d’autant plus poétiques et fascinants. Toujours à filmer en contre-plongée, comme par respect pour ce qu’il filme, nos yeux approchent donc de l’orgasme mais, malheureusement, il n’en est pas de même pour notre cœur qui reste en cale sèche.


Le propos entamé par « Une vie cachée » est intéressant mais pas forcément facile à retranscrire au cinéma. Ce sont des thématiques chéries par Malick. Il convoque donc encore les notions de Bien et de Mal, de Foi, de désobéissance et les convictions profondes de chacun. Mais il ne sait pas couper, ou plutôt se recadrer, d’où, encore, une durée fleuve. Paradoxalement, même si le film semble bien long, on ne voit pas non plus tant de séquences que cela à ôter sur les trois heures de bobines sauf, peut-être, celles récurrentes et redondantes qui voient la vie de tous les jours du couple central entre travail au champ et vie sociale au village. La densité narrative apparaît tout de même trop limitée pour une telle durée, le long-métrage nous paraissant tout de même interminable passé la première heure. Tout comme les échanges passionnants entre les personnages sur les thèmes cités plus hauts qui s’avèrent trop disparates. Quant aux seconds rôles, ils passent comme des ombres, des fantômes dont on suppose que pas mal de séquences ont dû être coupées au montage (par exemple pour Matthias Schonnaerts). Cela a pour conséquence de faire s’évaporer le côté envoûtant qui se diffusait grâce à la joliesse des images. Et de la même manière, l’émotion a du mal à nous étreindre malgré un tel sujet. « Une vie cachée » a le mérite de mettre l’accent sur l’héroïsme ordinaire et inconnu mais se révèle trop baigné dans un lyrisme parfois excessif et le panthéisme si cher au cinéaste. En résulte une fresque intime et un hymne au courage, à la persévérance et à l’intégrité face à ses convictions les plus profondes qui charme sur la forme mais ne s’est pas donné les moyens de convaincre sur le fond. Et, encore une fois, vraiment trop longue.


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JorikVesperhaven
6

Créée

le 10 janv. 2020

Critique lue 222 fois

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Rémy Fiers

Écrit par

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