(Petit disclaimer: ce titre n'est pas raciste. Vraiment.)
Si ce serait dommage de le limiter à ça, on peut considérer Get Out comme un essai pour Jordan Peele. Plus court, plus modeste (ou moins prétentieux, c'est selon), l'intrigue était efficace, avec un léger sous-texte politique, le tout bien filmé. Pas exceptionnel, mais certainement pas honteux.
Son cinéma peut se résumer ainsi: une grande compréhension et affection des codes du cinéma d'horreur et fantastique, particulièrement celui des années 80. Cette érudition cinématographique (sans doute bien plus entretenue que la mienne) lui permet de se les approprier afin de soulever une question simple et très américaine, quels rapports entretient-on avec la représentation visuelle de la violence ?
Après une scène d'exposition jouant habilement sur les peurs enfantines (isolement, inconnu), le jeune couple de fête foraine cède la place à une famille de classe moyenne type. Père aux blagues douteuses, mère renfermée (la petite fille du début), adolescente grincheuse et jeune fils plein d'énergie. Les signes présageant du désastre à venir ont la subtilité d'un bulldozer: arrivée à la plage accueillie par un cadavre chargé dans une ambulance (cadavre, ô surprise ô désarroi, de l'homme à la pancarte que l'on a vu dans la scène d'exposition), le fils qui se dirige vers la même attraction que sa mère des années plus tôt, le bruit de la foule qui devient assourdissant... Le bulldozer continue son chemin ainsi jusqu'au twist final tout à fait dispensable.
On pourrait s'arrêter à cette première couche de graisse, mais on s'aperçoit en la grattant un peu que tout ceci est volontaire, particulièrement à partir de l'irruption des étranges jumeaux. Munis de tous les archétypes du psychopathe cinématographique (les ciseaux pour le giallo, et le gant et la tenue rouge pour le slasher), leur allure de bête, surtout Abraham, les rend plus ridicules qu'effrayant.
Mais la mort brutale d'Abraham marque le début d'une identification à ces doppelgangers.
Cette empathie pour les monstres renverse les rôles lors d'une scène précise. En se maquillant devant le miroir, Le double de Kitty Kyler semble prendre conscience d'elle-même et s'humaniser.
Soudainement, ces jumeaux maléfiques deviennent attachants, et voir les protagonistes s'en débarrasser de façon de plus en plus brutale, allant jusqu'à en brûler un vif, crée un réel malaise. Cette violence est-elle légitime ? Est-elle inévitable ? L'homme peut-il redevenir subitement un animal ? Malheureusement, ces questions ne seront pas plus approfondies, et l'idée de transformer les freaks en manifestants de la CGT est malvenue.
Us est à l'image de son affiche: un habillage volontairement ridicule cachant (ou devrais-je dire servant) une réflexion maladroite mais sincère.