Vice-versa
7.5
Vice-versa

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Ronnie del Carmen (2015)

Chez Pixar, un nouveau film est toujours synonyme de belles promesses. Si le studio est dans le giron de l’ogre Disney, il peut malgré tout s’émanciper et proposer une autre vision de l’animation. Avec Vice versa, confié au très expérimenté Pete Docter, le studio à la lampe propose rien de moins que de suivre le parcours de la jeune Riley et des cinq émotions qui motivent ses décisions, sa personnalité et ses souvenirs.


Le concept de Vice Versa est plutôt alléchant : donner vie et personnalité aux cinq émotions principales qui définissent chaque être humain. Joie, Tristesse, Colère, Dégoût et Peur, avec des majuscules, car chaque émotion est unique. C’est donc dans la tête de Riley, jeune ado bien dans sa peau, que l’on va suivre les décisions de ce 5 majeur. Comme point de rupture et accessoirement nœud d’intrigue, les scénaristes organisent un déménagement, moteur du chamboulement émotionnel de Riley.


Il n’y a pas à dire, le petit univers intérieur de Riley est bien structuré. Les émotions se chamaillent gentiment avec juste ce qu’il faut de caricature sous la houlette d’une Joie bienveillante mais un brin manipulatrice. Mais c’est pour le bien de Riley... En effet, nous avons une Joie qui incarne un quasi despote et qui asphyxie les autres émotions, à telle point que sa disparition provoque un effondrement de la personnalité de Riley. Le raccourci est radical mais on se laisse berner, nous sommes dans une fable. Joie administre son petit personnel, lui laissant parfois voie au chapitre, plus par commodité scénaristique et effet comique que réel enjeu.


Si l’univers fabriqué par Docter et son équipe fleure bon la poésie et l’imagination débridée, il ne se suffit pas à lui-même. Une fois encore, à l’image de Là-haut, Pete Docter se concentre presque exclusivement sur le background et délaisse l’histoire. Vice versa, au-delà de sa parfaite linéarité et de son manque de tension et d’enjeu, reste une magnifique brochure un peu vide. Une cartographie certes imaginative mais dont le propos demeure sans relief. L’impression d’assister au reboot d’un épisode d’Il était une fois la vie.


Cette focalisation sur le couple Joie/Tristesse au pays des merveilles laisse les autres protagonistes sur le bas côté. Riley devient alors un banal réceptacle, un périphérique placide qui illustre sommairement les actions de ses dragibus émotifs. En guise de conclusion, on apprend que même la tristesse fait partie du bonheur et que les rêves de gosses ainsi que les amis imaginaires peuvent disparaître. Une belle analogie de l’état du studio Pixar.


Vice versa déçoit par son manque d’ambition narrative et propose un spectacle plaisant mais sans surprise. Docter confirme son statut de formidable architecte d’univers mais de piètre fabuliste. Il serait temps que Pixar remette les personnages au centre de leurs oeuvres. Consacrer un film entier aux émotions et à leur incarnation pour finalement en ressentir si peu, c’est un comble.

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le 4 janv. 2016

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Alyson Jensen

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