Vice-versa
7.5
Vice-versa

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Ronnie del Carmen (2015)

La revue de détails qui suit a bien entendu été co-écrite avec Joie, Tristesse, Peur et leurs petits camarades. Mais surtout grâce à Joie.


L’une des forces de Pixar a toujours été de jouer avec nos émotions, de nous faire rire autant que pleurer grâce à l’animation, et peu de studios produisant du long métrage en sont autant capables. De l’échange de caillou entre Tilt et Couette dans 1001 Pattes à la scène de passage de relai dans Toy Story 3 en passant par l’intro de Là Haut ou le vol spatial de Wall-E, Pixar a toujours réussi à nous remuer les tripes avec des personnages savamment écrit et des scènes bien fichues. Aujourd’hui, après une période de disette due à des soucis de productions sur Rebelle puis deux suites sans vraiment d’intérêt, le studio revient à ce qu’il sait faire de mieux. Et va même un peu plus loin, puisque cette fois les dites émotions sont incarnées. Pour encore plus nous remuer.


Vous l’avez déjà compris : Vice Versa est le retour en force du studio à la lampe qui signe l’un de ses meilleurs films.


Vice Versa s’ouvre sur un bébé, Riley. Dans sa tête, on découvre Joie, une petite personne en robe jaune et aux cheveux blonds, bondissante et pleine d’entrain. Comme son nom l’indique, elle est littéralement aux manettes d’un tableau de bord faisant vivre à la petite fille ses émotions. Mais un bébé pleure vite, et elle sera vite rejointe par Tristesse. Puis par Dégoût, Colère et Peur qui se partageront le tableau de bord pour faire vivre mille choses à la blondinette grandissante. Dès cette introduction, Pete Docter et Ronnie Del Carmen nous font comprendre qu’on va jongler entre l’intérieur de la tête et la vie extérieure, on va voir Riley faire des choses et la manière dont elles sont gérées par les émotions. Les deux réalisateurs alternent les points de vue, nous montre l’héroïne faire des choses tout en nous faisant entendre les voix en elles. Et ils le font avec tout le talent que l’on connait à Pixar quand il s’agit de montrer des enfants imaginatifs.


Les choses sont se gâter quand Riley arrivera à l’âge de douze ans et que ses parents seront obligés de quitter leur Minnesota natal pour la grande San Francisco. C’est un grand changement pour la jeune fille, surtout à cet âge-là. Souvenez-vous de cette période et de vos envies de vous rebeller contre une autorité parentale qui ne prend pas autant soin de vous que vous le souhaiteriez. Vous visualisez ? On est en plein dedans. Docter et Del Carmen passent à coté de la plupart des clichés, justifiant le changement d’attitude de Riley par un incident dans sa tête : Joie et Tristesse se retrouvent expulsées du centre de commande, et la jeune fille doit donc faire sans ses émotions-là. En filigrane, Docter et Del Carmen n’oublient pas les parents expliquant la situation à San Francisco par des scènes simples et efficaces. Le reste est la juste représentation d’une pré-ado en train de grandir.


Tout ça sera l’occasion de découvrir le fonctionnement interne de Riley. Visuellement très joli, le système se base donc sur les émotions qui contrôlent le tableau de bord comme fonctionnerait un débat où chacun finit par laisser sa place à l’autre et où chaque intervenant ne serait pas forcément tout blanc ou tout noir, même si dans le cas de Riley c’est Joie qui prime. Les émotions donnent lieu à des souvenirs qui sont stockés dans des boules colorées et, chaque soir, transférés soit dans une mémoire proche pour les moments les plus importants soit dans une mémoire antérieure pour les vieux souvenirs sans intérêt. Il y a aussi des îles alimentées par tout cela et représentant des valeurs et des centres d’intérêts : l’amour pour votre enfant, votre passion pour les hamburgers ou votre sens incroyable de la fidélité.


Incroyablement bien trouvé, cet univers créé uniquement à partir de nos sensations et de notre vécu donnera un immense terrain de jeu à Joie et Tristesse, expulsées au fin fond de la mémoire. Elles croiseront différents personnages, comme par exemple une équipe chargée d’effacer définitivement certains souvenirs qui ne servent à rien. Qui a besoin, à 30 ans passé, de connaitre par cœur le générique de Goldorak ?


Passant de l’esprit de la petite Riley à sa réalité, Pete Docter et Ronnie Del Carmen montrent qu’ils ont tout compris. Non seulement le film est impeccablement documenté en terme de pyschologie, mais les deux réalisateurs savent exactement comment s’adresser au spectateur avec leur coffret à jouets, en esquivant la plupart des clichés tout en retranscrivant parfaitement ce que n’importe qui pourrait ressentir à cet age-là, s’offrant le luxe de rentrer dans l’esprit d’autres humains pour des gags hilarants.
Vice Versa est à la fois beau, drôle, et touchant. On rit et on pleure en même temps que le personnage, en même temps que les émotions elles-mêmes (un comble). Mieux, les deux réalisateurs parviennent à jongler avec notre propre ressenti, nous faisant rire devant une situation tragique et inversement, grâce à l’incroyable puissance des petits personnages dans la tête de Riley.


Dans sa construction, Inside Out a des airs de Là-Haut sur lequel a déjà travaillé Pete Docter : il commence par une introduction incroyablement forte et enchaine avec des péripéties finalement assez prévisibles à travers une narration linéaire. Mais la puissance des situations, le talent d’écriture des personnage, et l’ambiance qui se dégage de l’ensemble en font quelque chose de particulièrement rare. On passe du rire aux larmes en un battement de cil et les souvenirs de Riley finissent par se mêler aux propres images de notre enfance. Ici, pas de discours en forme de syndrome de Peter Pan, juste l’envie de vous rappeler, de nous rappeler, que certains souvenirs méritent d’être conservés et qu’il fait bon s’en rappeler régulièrement.


Avec Vice Versa, Pixar montre qu’ils ont encore bien des choses à raconter et que dès qu’il s’agit d’une approche totalement originale ils sont encore au sommet. Bousculé par une récente concurrence, Pete Docter et Ronnie del Carmen ont joué des coudes mais ils finissent une nouvelle fois sur la plus haute marche du podium. Chapeau bas, messieurs.

cloneweb
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le 20 mai 2015

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