"Tu m'as dupé je vais te détruire idéologiquement, ton quotidien sera un enfer de désolation. Tu es un débris de merde dans l'immensité du cosmos. Gros gros gros tas de merde je vais te faire avaler ton arrogance de petite pute du 7ième. Je rêve de t'écorcher vive, morceaux par morceaux super lentement avec un couteau suisse. Aujourd'hui, la joie sur mon visage en pensant à toi. Tu es morte, je te pleure. Enfin la paix. Je peux t'aimer tranquillement mais quand même, chier sur ta tombe." Ces mots sont prononcés par la juge en charge du procès de Vincent (Melvil Poupaud), accusé d'avoir poignardé sa copine (Emanuelle Lanfray) lors du mariage se son amie Eve (Alice Daquet). Le décalage entre la portée dramatique des phrases et la prononciation impartiale de la juge qui cite sans jamais ponctuer, l'habile mélange du familier ("gros gros gros tas de merde") et du soutenu ("l'immensité du cosmos"), le tout énoncé dans une salle d'audience rouge hyper moderne, résument à merveille le burlesque de la situation initiale et au-delà, la tonalité du film, qui fait que OUI, il fonctionne. Pendant 1h36, on ne sait pas si on doit rire, pleurer ou avoir peur du drame qui se déroule sous nos yeux. Un drame pas très sérieux ? Un drame pas très sérieux et drôle même si c'est triste ? On ne sait pas non plus à quel moment on doit éprouver de l'empathie à l'égard des protagonistes. Mais ce qu'on sait, c'est que c'est plaisant.


Justine Triet nous dépeint l'histoire d'une femme moderne et indépendante à qui tout semble réussir, mais pourtant. Victoria cherche un sens à sa vie, c'est certain. Elle s'investit dans son travail d'avocate pénaliste et donne l'impression de tout contrôler, même quand elle choisi de défendre Vincent, son ami proche. C'est pour mieux masquer son vide intérieur et elle excelle à ne rien laisser paraître, aidée de son humour (presque) involontaire. Elle est exceptionnelle, malgré elle. Pourtant elle s'ennuie, ça crève les yeux "sexe, sexe, sexe, je suis écoeurée", et c'est à partir du drame du mariage de ses amis qu'on cerne véritablement le personnage. Victoria, sous ses airs de féministes, est seule et ne sait pas trop comment faire des choix, s'occuper de ses deux filles jamais habillées devant la télévision, ni mettre de l'ordre dans son appartement. Alors arrive Samuel (Vincent Lacoste), un peu paumé lui aussi, qui joue le rôle de baby-sitter à temps complet, histoire de combler le creux de la vie de l'avocate. Il est plus d'accord qu'elle, puisqu'il a un triple intérêt : l'argent, un toit et son avenir dans le droit. Peu importe, Victoria est égoïste, égocentrique presque. On ne la suit pas toujours mais elle reste hilarante, même quand elle fait appel à tous les professionnels de la capitale pour sortir de sa dépression, qu'elle assume à moitié sans la comprendre. Elle pousse le culot à l'extrême en essayant de convertir ses plans cul en psychologues.


Au sortir de la salle on se sent moins seul, peut-être parce que pendant 1h36 les personnages nous ont rassuré sur l'absurdité de la vie parfois, mais aussi sur ce qu'elle peut apporter de bon. On a fait partie du quotidien de Victoria, Samuel et Vincent et on voudrait leur dire "Et après, comment ça s'est passé ? Ca va ?". Le film n'est en rien un Journal de Bridget Jones franco-français, une campagne de lutte contre le sexisme ou un exemple de sucess storie (il y a vraie histoire de Joy, en son temps, pour ça), il est beaucoup plus intelligent, crédible et profond que ça. Justine Triet ne s'est pas contenté de raconter la vie de bobos parisiens désabusés ET caricaturés, ni de nous balancer une morale dramatico-romantico-cendrillonesque du genre "on est pas tout seul, un jour mon prince viendra" non, elle va plus loin que ça. Elle manipule avec justesse et virtuose le drame et le comique, sans jamais tomber dans le cynisme, la lourdeur et le romantisme.

MarionAdrast
7
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le 1 oct. 2016

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Rion Ma

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