Un garçon vraiment formidable, Thomas Salvador ! Non seulement parce qu’il écrit et réalise son premier long-métrage en en interprétant le rôle principal, mais aussi parce que Vincent n’a pas d’écailles est le film le plus jouissif et surprenant qu’on ait vu depuis longtemps, d’une originalité et d’une inventivité qui en font un objet révolutionnaire, aussi bien dans l’éclatement de la narration en courts fragments que dans le dynamitage et la relecture de la figure du super-héros. Ce qu’est en quelque sorte Vincent, jeune homme tout à fait inoffensif, réservé et timide, qui, dès qu’il est en contact avec l’eau, possède un pouvoir extraordinaire où sa force et ses réflexes sont décuplés. Comment vivre avec cette particularité (atout ou handicap ?) lorsqu’on veut mener une existence normale auprès de la jeune fille récemment rencontrée ? C’est une des questions sous-tendues par le film, de la même manière que l’inscription du corps dans l’espace, ce qui en fait naturellement quelque chose de très physique. Que ce soit dans des lacs ou des rivières, une piscine, des marécages ou encore des bassins publics, Vincent multiplie les immersions, à la fois pour se ressourcer et pour recouvrer cet étrange pouvoir qui commence à semer pas mal de troubles autour de lui.

Thomas Salvador cultive l’ellipse et est avare de détails sur son héros : dans l’environnement des gorges du Verdon, il vit de petits boulots, semble venir de nulle part et guère ne se préoccuper de son avenir. D’abord sorte de chronique sociale, puis sentimentale (la rencontre avec Lucie), le film se tourne ensuite vers l’action, tout en parvenant à maintenir la surprise et le suspens. Le réalisateur sait faire feu de tous bois ou, devrait-on dire, eau de tous contenants. Le décor des gorges ou d’une cimenterie lui offre ainsi de réelles opportunités à prouver un indéniable talent de metteur en scène.

Absent de toute explication, le film supporterait sans doute mal qu’on lui fasse filer la métaphore : se mouiller pour prouver et faire avancer les choses. Toutefois, l’omniprésence de l’élément aquatique m’a fait penser au curieux livre de Pierre Patrolin : La traversée de la France à la nage. Comme si l’eau protectrice et douée de pouvoirs surnaturels redevenait un liquide amniotique.
Profondément jubilatoire et étonnant, ce premier long-métrage est d’ores et déjà une des meilleurs choses arrivées au cinéma national cette année. La notion du merveilleux – galvaudée par l’italienne Alice Rohrwacher – s’épanouit ici complètement, avec une modestie et une absence d’esbroufe qui imposent le respect.
PatrickBraganti
8
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le 19 févr. 2015

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