Virgin Suicides par Maqroll
Premier film de Sofia Coppola, Virgin Suicides reste à ce jour, et de loin, son meilleur film. Cette chronique noire, d’un pessimisme effrayant, nous fait considérer la vie dans ce qu’elle a de plus mystérieux et de plus irréductible. Il n’y a là aucune démonstration, aucune thèse. Ce film est juste une exposition de ce que peut être une adolescence – ou plutôt cinq adolescences – étouffées entre un père schizophrène et une mère hystérique. Ou comment le refoulement organisé des pulsions aboutit au strict effet contraire de celui recherché. L’esthétique impeccable de la réalisation de Sofia Coppola n’est jamais gratuite car elle vient en contrepoint de la laideur du monde, celui où on abat des arbres pour éviter qu’ils contaminent les autres et c’est bien une terrible métaphore de cette histoire qu’il faut voir ici. Le retrait du monde des sœurs Lisbon apparaît comme une sorte de catharsis rédemptrice qui permettra aux garçons témoins de leur tragédie de survivre et de devenir ce qu’elles n’auraient jamais pu être faute de repères opérants, des adultes. La justesse des portraits psychologiques et des ressorts de l’intrigue est d’une finesse rare au cinéma. L’interprétation est d’une homogénéité remarquable, même si on peut en dégager Kirsten Dunst, perverse innocente et polymorphe pour reprendre l’expression freudienne et James Woods dont l’absence quotidienne va précipiter la fin tragique. Le mot de la fin est donné par la mère : « Jamais mes filles n’ont manqué d’amour. » Comme dit l’autre, l’amour, c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu'un qui n’en veut pas !