Pour un premier film, Sofia Coppola fait preuve d'une retenue et d'une maîtrise des émotions assez rares. Une famille, composée de parents et de cinq sœurs, voit l'une d'elle se suicider. Cecilia paraissait ailleurs, complètement désarçonnée dans un monde qu'elle ne comprenait sans doute pas. Les quatre autres, vont faire de même. Derrière le visage doux des soeurs Lisbon, Sofia Coppola dépeint avec aisance la morbidité de l'adolescence et sa fascination pour l'interdit. Avec la beauté de ces jeunes blondes, un univers pop avec ses couleurs acidulées - les chambres roses bonbons des sœurs - Virgin Suicides est le portrait triste de ces beaux petits quartiers américains, où tout est réglé comme dans une horlogerie, où tout est beau et sent la naphtaline. En y regardant de plus près, les commères s'amusent à entretenir des potins, les regards se font plus sombres, hagards, se cachant derrière un puritanisme ambiant pas des plus bienveillants. Le classicisme de sa mise en scène avec ses plans presque photographiques et son somptueux travail sur le cadrage contre balance avec le fait que Sofia Coppola casse les codes du "teen movie", se délaissant de tous les passages obligatoires demandés par le genre même si bien évidemment on a la droit à des séquences comme celle du bal ou de la première fois.

Par le prisme de cette famille, Sofia Coppola pointe le doigt sur la perte d'innocence de l'adolescence. La tristesse, la souffrance intérieure n'a pas d'age et le faussé entre les adultes moralisants et ces jeunes gens se fait de plus en plus ressentir où l'un et l'autre ont du mal à cohabiter. La caméra de Sofia Coppola ne juge pas, ne donne pas son avis mais ne fait que constater le manque de considération des fêlures adolescentes. Accablées par des parents omniprésents et trop pieux pour entretenir un quelconque dialogue, cette prison presque psychologique va déteindre sur ces adolescentes en quête de simples libertés, de vie jusqu'à les asphyxier.Ce vague à l’âme n'est jamais surligné par sa réalisatrice, permettant au film d'avoir ses propres secrets et ses mystères inavouables. Cette ambiance cotonneuse, cette bande son pop et mélancolique, les émois à fleur de peau de ces adolescents parfument Virgin Suicides d'une certaine rêverie douceâtre faussement joyeuse. Avec Virgin Suicides, Sofia Coppola peint le sublime portrait de teenagers rentrant en collision dans un monde adulte trop arc bouté sur ses positions pour comprendre les déambulations célestes et utopiques de cette jeunesse en pleine ébullition.
Velvetman
8
Écrit par

Créée

le 20 févr. 2014

Critique lue 1.3K fois

34 j'aime

2 commentaires

Velvetman

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

34
2

D'autres avis sur Virgin Suicides

Virgin Suicides
Fritz_the_Cat
10

Summertime Sadness

"M. Lisbon continuait d'essayer de la dégager, doucement, mais même dans notre ignorance nous savions que c'était sans espoir et qu'en dépit des yeux ouverts de Cécilia et de sa bouche qui ne cessait...

le 24 nov. 2013

192 j'aime

44

Virgin Suicides
Karrie
7

"Obviously doctor, you've never been a thirteen-year-old girl."

Ça faisait très longtemps que je ne l'avais pas vu, mais je gardais ce souvenir d'un film lointain, vaporeux, presque... évanescent ; le revisionner ne fit que confirmer mon impression. Sinon, pour...

le 9 oct. 2011

133 j'aime

4

Virgin Suicides
Sergent_Pepper
7

Music has the right to children

Virgin Suicides fait partie de ces films qui ont fini par être supplantés par leur bande-originale. Vu à sa sortie en 1999, ses images ont fini par de dilater dans la musique du groupe Air qui a fait...

le 5 sept. 2015

128 j'aime

10

Du même critique

The Neon Demon
Velvetman
8

Cannibal beauty

Un film. Deux notions. La beauté et la mort. Avec Nicolas Winding Refn et The Neon Demon, la consonance cinématographique est révélatrice d’une emphase parfaite entre un auteur et son art. Qui de...

le 23 mai 2016

276 j'aime

13

Premier Contact
Velvetman
8

Le lexique du temps

Les nouveaux visages du cinéma Hollywoodien se mettent subitement à la science-fiction. Cela devient-il un passage obligé ou est-ce un environnement propice à la création, au développement des...

le 10 déc. 2016

260 j'aime

19

Star Wars - Le Réveil de la Force
Velvetman
5

La nostalgie des étoiles

Le marasme est là, le nouveau Star Wars vient de prendre place dans nos salles obscures, tel un Destroyer qui viendrait affaiblir l’éclat d’une planète. Les sabres, les X Wing, les pouvoirs, la...

le 20 déc. 2015

208 j'aime

21