Visages, villages
6.9
Visages, villages

Documentaire de JR et Agnès Varda (2017)

Grande dame du cinéma s'il en est, considérée par les cinéphiles comme étant la "Marraine de la Nouvelle Vague", Agnès Varda aura effectué cette année un véritable retour en force avec ce très beau documentaire (agrémenté comme toujours chez Varda d'une pointe d'auto-fiction) tout en douceur et en émotion retenue.


En compagnie du jeune photographe JR, à qui elle reproche très souvent de ne jamais ôter ces "foutues" lunettes noires, Agnès Varda s'aventure au coeur de la France profonde en quête des "monsieurs et madames tout le monde" d'aujourd'hui.
Qu'ils soient agriculteur, facteurs, dockers ou encore simples passants, les deux artistes prennent le parti d'immortaliser tous ces visages, par le biais du procédé du "photo-collage" (prendre une photo en très grand format d'un visage humain pour ensuite la coller sur des murs de briques). Le point commun entre toutes ces personnes est qu'elles ont toutes une histoire à raconter (leur vécu, leur passion pour leur boulot, leurs rapports aux autres), histoires que (et c'est là l'un des grands point forts du film) la cinéaste et le photographe arrivent à rendre passionnantes, sans jamais verser dans le voyeurisme ou le m'as-tu-vu.
Dès lors, le film est à l'image de ces témoignages véridiques : drôle, poétique, touchants et par moments même assez bouleversants.


Comme cité brièvement ci-dessus, l'une des marques de fabrique du cinéma d'Agnès Varda est de toujours combiner documentaire et auto-fiction.
Ainsi, comme dans "Les Glaneurs et la Glaneuse", film dans lequel via des gros plans sur ses propres mains elle symbolisait son passage à la vieillesse, la réalisatrice parle d'elle-même mais une fois encore, sans verser dans le nombrilisme le plus pénible. Elle rend compte notamment, sous forme de "choc de générations", de l'effet que lui procure son périple avec JR, qui pourrait très bien être son petit-fils. Par le biais de fines et subtiles touches d'humour bien placées(en utilisant notamment le principe de l'évolution des nouvelles technologies), elle traduit bien ce passage de relais, cette transition d'une jeunesse à une à une autre, en quelque sorte.


En effet, Agnès Varda, du haut de ses 88 printemps, n'hésite pas à montrer qu'elle est toujours en pleine forme. Désormais, comme l'atteste ce documentaire, c'est le rapport des autres à la vie qui l'intéresse. Ici, et ce même quand elle décide de filmer les témoignages des dockers et de l'agriculteur, point de réflexion politique sur le système français d'aujourd'hui. Ce n'est pas ce qui les intéressent, elle et JR.


Si le côté volontairement décousu de ce film pourra peut-être en laisser certains sur la touche (Varda et JR avouant eux-même ne pas véritablement savoir pourquoi ils ont décidés de faire ce film ensemble), nul ne pourra résister à l'émotion intense qui implique nombres de séquences.
Que ce soit ce touchant témoignage de Jeanine, connue comme étant la toute première résidente de son petit village français, ceux des femmes des dockers (immortalisé par ailleurs par un superbe plan dans lequel ces dernières prennent la pose sur les caisses de navigation que doivent décharger leurs maris), sans parler de l'ultime séquence (plus cinéphile, celle-ci) dans laquelle la cinéaste entend bien rendre visite à son vieil ami Jean-Luc Godard,(séquence par ailleurs relativement douce-amère) l'émotion et la beauté du geste de ces deux géants de la scène artistique française (Varda et JR) imprègnent ET l'écran de cinéma ET notre rétine de spectateur, tant ce qui nous est donné à voir est touchant de justesse, de délicatesse et de doux réalisme.
Le plus beau étant que l'on a envie de rencontrer tous ces gens divers qu'on nous donne à voir sur l'écran, ces hommes et ces femmes inconnus qui font la France d'aujourd'hui et qui contribuent à forger la société de demain.


En évitant toute forme de message à vocation politique, en privilégiant de façon efficace la forme cinématographique au fond, en parvenant à émouvoir le spectateur tout en le faisant réfléchir, "Visages, Villages" se révèle être bien plus qu'un film documentaire, un véritable miroir à visage humain sur la société d'aujourd'hui, NOTRE société.


Assurément, l'un des films majeurs de cette année !

f_bruwier_hotmail_be
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le 22 août 2017

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