Pour son dernier film, Vive la crise !, Jean-François Davy offre au spectateur une réflexion mi-figue mi-raisin sur les méfaits de la crise en France.


VIVE LA CRISE ! est un film inclassable. Un OVNI dans le cinéma français, et comme le dit un des personnages, « un joyeux bordel ». Car le film oscille allègrement entre l’humour ringard des nanars des années 70 et la réflexion philosophique un peu plus poussée qui alerte sur les dangers qui guettent une société trop libérale. Son réalisateur, Jean-François Davy, offre en effet de nombreuses clés de lecture, telle une auberge espagnole de la pensée poussée à l’extrême.


VIVE LA CRISE ! est d’abord une fiction politiquement incorrecte qui invite le spectateur en l’an 2025, au moment où la Présidente Marine Le Pen démissionne (sic). A la veille du résultat des présidentielles du 7 mai, ce parti pris du réalisateur n’est pas piqué des vers et ambitionne sans doute de remuer le citoyen pour lui montrer ce qui se passerait si l’extrême droite arrivait au pouvoir. La France en crise de 2025 semble plongée dans le chaos, après des réformes aussi stupides les unes que les autres. Ce sont les machines qui ont l’air de décider du licenciement des salariés, les rues sont remplies de sans domiciles fixes et de femmes vêtues de niqab. Les médias et la télévision en fonds sonore sont ultra présents et anxiogènes. Le débat démocratique a disparu et le seul politique qui émerge vient du centre (« ni centre droit, ni centre gauche, ni centrifuge »).


VIVE LA CRISE ! est ensuite un film choral social, dont les différents personnages, tels des balles de flipper, se rencontrent à la faveur de l’intrigue. Ces rencontres ne sont évidemment pas crédibles mais servent le propos pour aborder de vrais problèmes sociétaux liés au manque d’argent et à l’avenir des Français. Pèle-mêle: les dégâts du chômage, les jeunes qui n’ont d’autre choix de vivre chez leurs parents ou de se prostituer pour vivre, les problèmes de logement, les petites retraites ou encore le mariage gay. Ces personnages en déshérence deviennent solidaires les uns des autres et s’emparent notamment d’un article du code civil pour s’octroyer des droits. Ils s’inspirent de l’écrivain humaniste Etienne De La Boétie, précurseur intellectuel de l’anarchisme et de la désobéissance civile. Pour renforcer le propos le réalisateur a d’ailleurs jugé utile de nommer comme le poète un de ses personnages principaux (Jean-Marie Bigard, dont le jeu est assez sobre), lui adjoignant un Montaigne de joyeuse humeur (Jean-Claude Dreyfus).


Car VIVE LA CRISE ! est surtout un film philosophique et une fable poétique grâce aux personnages de Montaigne et De la Boétie, dont les dialogues sont parsemés des citations des deux philosophes et d’incitation au Carpe Diem. La tolérance, la solidarité et l’entraide indispensables pour bien vivre ensemble sont ainsi remises à l’honneur par le réalisateur, qui rappelle au spectateur qu’il faudrait en refaire bon usage. Les principes en sont d’ailleurs symbolisés par le savoir vivre via le vin, la bonne chère et le sexe joyeux que les personnages partagent. Le réalisateur, qui a d’ailleurs produit et tourné plusieurs films X, a sans doute voulu se faire plaisir puisqu’il parsème son film de situations et dialogues un peu lourdauds.


Mais l’objectif affiché du film, à savoir vouloir faire rire tout en éveillant les consciences, en dénonçant une situation potentiellement dramatique et en prônant la tolérance, n’est hélas pas complètement atteint. Car en dépit de dialogues dits par de grandes gueules du cinéma français (Rufus, Dominique Pinon, Michel Aumont ou Venantino Venantini), VIVE LA CRISE ! part dans de trop nombreuses directions, laissant la lourde impression au spectateur d’avoir avalé un gloubiboulga de situations tantôt fines et amusantes, tantôt grotesques et pathétiques.


Par Sylvie-Noëlle pour Le Blog du Cinéma

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le 9 mai 2017

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