"Quand on cherche Dieu, cela veut dire qu'on l'a déjà trouvé."

Durant la Seconde Guerre mondiale, à Londres, l’écrivain Maurice Bendix (Van Johnson) rencontre la femme de son ami Henry Miles (Peter Cushing), Sarah (sublime Deborah Kerr). Sous prétexte d’un roman à écrire, Maurice et Sarah se rencontrent fréquemment et entament une relation amoureuse passionnée. Mais un soir, après un bombardement où Maurice manque de peu de se faire tuer, Sarah change du tout au tout, et refuse de revoir son amant. Ce dernier ne comprenant pas et croyant que Sarah s’est trouvé un autre amant, enquête sur elle. Il va alors se découvrir un rival qu’il ne soupçonnait pas, et bien plus puissant que lui : Dieu lui-même…


Adapter au cinéma Graham Greene, un des auteurs les plus profonds et complexes de la littérature britannique, est toujours un pari risqué, surtout lorsqu’il s’agit de La Fin d’une liaison, sans nul doute un de ses romans les plus profonds.
Pourtant, qui de mieux placé à Hollywood qu’Edward Dmytryk, pour saisir et restituer toute la densité de Greene à l’écran ? De fait, réalisateur particulièrement tourmenté du fait du harcèlement qu’il subira pour avoir été proche du communisme à l’époque du maccarthysme, il nous propose ici des personnages qui témoignent constamment d’une absence totale de manichéisme, illustrant la réflexion et le tiraillement qui animèrent Dmytryk toute sa vie sur la trahison, la lâcheté, le pardon et la religion. Plus que jamais, ces thèmes sont traités ici, dans une adaptation scrupuleusement fidèle au roman de Greene. En effet, le script de Lenore J. Coffee reprend le roman adapté dans les moindres détails, restituant à merveille sa richesse à l’écran.


Magnifiée par Deborah Kerr, plus rayonnante que jamais, le personnage de Sarah Miles témoigne d’une écriture d’une incomparable justesse, qui fait de Vivre un grand amour un miracle permanent, malgré son titre français à côté de la plaque. Adoptant une mise en scène sobre et dépouillée, mais toujours réfléchie et pleine de sens, Dmytryk parvient sans cesse à capter l’inimitable étincelle de vie qui rend ses personnages pleinement vivants et les émancipe de la tutelle de la caméra, afin de nous faire goûter autant que possible le drame qui se joue sous nos yeux. S’appuyant sur des êtres dépeints dans toute leur vérité, le réalisateur nous propose une réflexion d’une insondable profondeur sur le couple, la fidélité et l’adultère, mais surtout sur la foi, et la relation de chacun (chrétien comme athée) à Dieu.
Incarnant à merveille la fragilité, la détresse et le doute, la lumineuse Deborah Kerr introduit dans le film une indicible émotion, sa conversion suivant un chemin étonnant de prime abord, la femme commençant par haïr Dieu. Mais c’est pour lui faire comprendre, aiguillée par la magnifique figure de prêtre que compose Stephen Murray, tout en discrétion, que la haine est finalement une des formes les plus fortes de croyances. Car, comme le souligne très finement Sarah face à l’athée qui l’a bien involontairement poussé à croire par son contre-exemple, « on ne peut haïr quelque chose qui n’existe pas ».
Et comme le rappelait Greene dans son roman, de la haine à l’amour, il n’y a qu’un pas, mais il faut le courage de le franchir, et c’est ce que nous invite à contempler Dmytryk, dans toute sa beauté et sa dureté. Constamment soumise au doute, mais étant rattrapée par la Providence à chaque tentation, Sarah suit un chemin difficile, mais puissant et magnifique.


Ainsi, pour peu que l’on soit nous-mêmes prêts à ouvrir notre âme à des personnages qui n'attendent que cela, on voit mal comment rester insensible face au spectacle de ces âmes brisées qui, dans leur déroute et dans un monde en guerre, cherchent à tout prix la paix et la vérité. Spectacle intimiste et grandiose à la fois, qui se clôt dans un final en forme d’explosion émotionnelle telle qu’on n’en avait rarement connue, et qui imprime ce quasi chef-d’œuvre dans notre mémoire pour longtemps…




  • Si vous avez fait une promesse à un dieu auquel vous ne croyez pas, pourquoi la tenir ?

  • Me conseillez-vous de ne pas la tenir ?

  • Dieu nous laisse le choix d'agir pour ou contre lui.

  • Dieu, toujours Dieu... Comme s'il n'y avait rien d'autre !

  • Il n'y a rien d'autre.


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le 16 juin 2018

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Tonto

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