En 1968, Milos Forman, réalisateur tchèque, fuit son pays envahi par l’armée soviétique pour s’installer en Europe et enfin aux États-unis. En 1975, soit moins de dix ans après son arrivée, son film Vol au-dessus d’un nid de coucou le propulse au rang des réalisateurs reconnus internationalement. A sa sortie, le film reçoit pas moins de cinq oscars et cinq golden globes. Il n’a pas à rougir de tous ces distinctions, bien au contraire: selon moi il est de ces films marquants que l’on classe parmi les chefs d’œuvre.
Vol au-dessus d’un nid de coucou est un film touchant et juste qui s’aventure dans le milieu fermé de la psychiatrie. Enjeu complexe pour le réalisateur: réussir à montrer la réalité de l’enfermement psychiatrique avec ses travers, ses abus sans vexer le professionnel médical et sans rentrer dans le pathos. Milos Forman a réussi avec brio l’entreprise dans laquelle il s’était lancé.
Sans être apitoyant, en restant dans la simplicité la plus profonde, Vol au-dessus d’un nid de coucou amène le spectateur à s’interroger sur l’efficacité de l’enfermement psychiatrique, sur les méthodes utilisées pour soigner les patients. Le réalisateur y dénonce l’utilisation abusive et inutile des traitements médicamenteux qui affaiblissent plus qu’ils n’aident véritablement le malade, qui ne font que le plonger dans un état second. D’autres pratiques sont mise en avant notamment l’usage de la lobotomie. Cette pratique chirurgicale consiste à détruire massivement l’ensemble des fibres nerveuses reliant un lobe cérébral au reste du cerveau et est censée guérir des maladies mentales. Encore en vogue dans le milieu médical aux États-Unis lors de la sortie du film, les spectateurs ont été particulièrement choqués par cet acte barbare. Cet aspect est certainement une des raisons du succès du film.
La force de ce film réside dans l’interprétation de tous ces acteurs, qui tous vivent véritablement leur rôle (Apparemment certains sont de véritables malades mentaux). Je suis fascinée par la prestation de Jack Nicholson, dans le rôle de R. P. McMurphy, ce taulard qui volontairement se fait enfermer dans cet asile pour échapper au milieu carcéral. Il se rend vite compte que LA VERITABLE PRISON est ici, dans cet environnement censé guérir, censé aider, censé être bienveillant. Jack Nicholson joue à merveille le brave gars enjoué et énergique. C’est un être exceptionnel, rempli de bonhomie et de vivacité, un type qui cache une bonté et une générosité dans les tréfonds de son âme. Personnage qui met à mal, qui s’oppose au milieu psychiatrique, qui lui renvoie ses erreurs, ses abus, son non-sens. Le personnage de l’infirmière en chef Mildred Ratched, un être abjecte, infâme, sans état d’âme, interprétée par Louise Fletcher, incarne toute la méchanceté et la rigidité de ce milieu. Le film est une perpétuelle confrontation de ces deux mondes, ces deux êtres que tout opposent. Jack Nicholson souffle à Mildred Ratched, un vent de modernité, de liberté, d’espoir en pleine face.
J’ai également adoré tous ces acteurs jouant les malades. Tous efficaces, tous touchants à leur manière (Billy, jeune homme sensible, vrai et timide et qui malheureusement ne réussira pas à être compris par Ratched; le grand chef qui entretient une amitié sincère et dévoué à R. P. McMurphy).
Vol au-dessus d’un nid de coucou est un film qui marque pour la profondeur de son message de tolérance envers les personnes atteintes de maladies mentales et qui pousse le spectateur à s’interroger sur l’efficacité et les abus de la psychiatrie. Film porteur d’espoir et de liberté, il offre un regard positif sur la maladie mentale grâce à un excellent Jack Nicholson qui n’a pas démérité son oscar du meilleur acteur pour ce film. Rien que pour son interprétation de ce type affectueux et émouvant, apportant de la gaieté à ces hommes affaiblis, le film vaut le coup d’oeil! La fin se suffit également à elle même; une des fins les plus déchirantes que j’ai pu voir.